Signatures et le Baccara sont les deux plus grandes tables de la région de la capitale. Nulle part ailleurs offre-t-on une telle expérience gastronomique, dans un cadre aussi enchanteur.

Signatures et le Baccara sont les deux plus grandes tables de la région de la capitale. Nulle part ailleurs offre-t-on une telle expérience gastronomique, dans un cadre aussi enchanteur.

Le fait que ces deux établissements appartiennent à de grandes institutions n'est pas étranger à cela. Appuyé par Loto-Québec, Le Baccara (Cote Jury 19/20, avril 2006) peut se permettre des folies que ne peuvent justifier un établissement comme Beckta Dining & Wine (Cote Jury 18,5/20, juin 2007), qui appartient au sommelier Stephen Beckta, ou le Café Henry-Burger, à l'époque, propriété du chef Robert C. Bourassa.

Cela vaut aussi pour Signatures qui est appuyé par le réseau des prestigieuses écoles de cuisine Cordon Bleu, établies aujourd'hui à travers le monde, dont Ottawa. (Signatures, faut-il répéter, n'est pas un "resto d'entraînement" pour les futurs diplômés, mais bien un établissement d'exception qui complète le "branding" haut de gamme de Cordon Bleu.)

Du Baccara ou de Signatures, quel est le meilleur des deux ? Difficile à dire car Signatures excelle là où Le Baccara faiblit, et vice versa. Le charme douillet de Signatures, sis dans une maison ancienne du quartier Côte-de-Sable qui abritait jadis le Cercle universitaire, surpassera toujours la salle à manger bruyante du Baccara, qui rappelle qu'on se retrouve dans une maison de jeu, le Casino du Lac-Leamy.

Par contre, le service exceptionnel du Baccara est presque sans égal, et a peu à envier aux plus grandes tables du monde, sinon le nombre de serveurs en salle.

Signatures montre certaines failles impardonnables à ce chapitre : un serveur ignore les ingrédients d'un plat, l'autre ne sait pas l'origine de la sauce Diane (c'est en l'honneur de la déesse chasseresse, que l'on sert ici par erreur avec du boeuf plutôt que de la venaison), le pain se fait attendre, etc. Additionnés, ces petits faux pas trahissent des problèmes entre la cuisine et la table. Et la cuisine n'est pas sans accrocs non plus.

Il faut exclure de ces reproches soupesés la talentueuse sommelière Julie Bérubé, dont il faut apprécier l'approche d'ouverture et d'audace à bâtir des palettes de vin qui se marient avec la vingtaine de plats concoctés par le chef exécutif Yannick Anton.

Quatre menus

Quatre menus se présentent : le Grand menu du marché, avec ses huit services (110 $, plus 64 $ pour la palette de vins en option), le Menu dégustation à cinq services (82 $), les Délices du Canada à quatre services (64 $), et le menu Cordon Vert, un quatre services végétarien (49 $). Le dîneur y trouvera chaussure à son pied. La présence du menu Délices du Canada démontre que le chef niçois n'est pas désincarné de son pays d'accueil. Si ça semble cher, sachez que ça l'est davantage en Europe.

Au plan technique, tout est parfait. Les ingrédients sont bien frais, triés sur le volet, les cuissons exactes. Mais c'est le choix d'ingrédients et leur architecture qu'il faut réellement évaluer le talent du chef. Là, il est permis de questionner certaines décisions.

Sur le Grand menu, on pourrait s'attendre à des aliments extra-fins... plutôt que des préparations paysannes comme la polenta ou la merguez. Idem pour un ingrédient comme l'asperge, légume printanier qui, l'été venu, devrait laisser place à la tomate, par exemple. Le poireau, dira-t-on ? Mais le chef l'utilise, de fait. En lit sur du saumon mi-cuit : ce sera le moins réussi de ses plats. L'idée de déposer de l'anguille caramélisée sur un rectangle de foie gras est ratée : le tout s'écrase à la moindre pression. L'inverse aurait été plus logique. Et de façon générale, les légumes sont trop discrets.

Les gastronomes vont chez Signatures pour se faire plaisir, pour être impressionnés, pour voir et goûter ce qui se fait de mieux dans la cuisine du XXIe siècle, tout en gardant un pied dans les grandes traditions culinaires françaises. Seul deux plats goûtés étonnent et séduisent : le velouté de crabe sur crème de tapioca, d'inspiration basque, et le duo de thon blanc et rouge où les chairs sont collées comme en damier.

Il y a malheureusement trop de plats qu'un cuisinier du dimanche pourrait à peu près réussir à la maison : le magret de canard, le filet à la Diane, le foie gras poêlé.

En finale, les desserts manquent de direction. Un voyage aux îles... servi à Ottawa ? On se surprendra que le chef Anton ne laisse pas ici la place à son collègue Christian Faure, le pâtissier le plus décoré à jamais oeuvrer au Canada. Il y a du talent qui se gaspille et le chef Anton aurait avantage à peaufiner encore sa carte pour que Signatures impressionne pour plus que son confort douillet.

Pour deux personnes, prévoyez entre 150 et 200 $, plus consommations, taxes et service.

pjury@ledroit.com

Signatures,

453, rue Laurier est,

Ottawa, ON

(613) 236-2433

Cote Jury 17,5/20

RÉSULTATS

Cuisine : 8,5/10

Service : 5/6

Décor : 4/4