L'Agora de la danse ouvre sa saison avec une pièce concoctée par la chorégraphe et conteuse Sarah Chase pour les sept danseurs de la compagnie Montréal Danse. Subtilité, empathie, fils invisibles qui tissent les liens puissants entre les êtres, gestuelle simple et émotions fortes sont au programme dans Sur les glaces du Labrador, à découvrir du 10 au 20 septembre.

Le titre, d'emblée, semble présager de la froidure et c'est tout l'inverse que nous délivre Sarah Chase dans sa pièce de groupe, pour la toute première fois, destinée aux interprètes matures de Montréal Danse sous la houlette experte de leur directrice artistique, Kathy Casey. Une vraie gageure pour la jeune chorégraphe dont la magie des oeuvres reposait jusqu'ici sur le fait qu'elles soient des solos livrés dans de petites salles devant un public captivé, voire hypnotisé, par l'incroyable dentelle avec laquelle Chase sait tricoter gestuelle et paroles pour toucher pile au coeur.

Transférée à un grand ensemble, dans de grands espaces, comme celui de leur résidence de création à Banff ou celui de la scène d'Ottawa où la pièce a été créée en juin dernier dans le cadre du Festival CanDance, est-ce que la spécificité de Chase fonctionne toujours? «Oui», assure Kathy Casey qui, fidèle à sa réputation de découvreuse qui offre des défis à relever aux chorégraphes, a proposé cette prise de risque il y a trois ans. Qui, des danseurs ou de la chorégraphe, a été le plus déstabilisé?

«Les danseurs ont beaucoup d'expérience, de maîtrise et la plupart dansent ensemble depuis plus de 15 ans. Leur grande maîtrise était ici le défi, car, pour entrer dans l'univers de Sarah, il faut renoncer à toute théâtralité, retourner à l'essence. C'est une pièce sur les liens intimes et secrets entre les êtres, alors il faut être disponible. De plus, il y a beaucoup de travail sur le son, ils doivent raconter, mais aussi chanter, jouer d'un instrument, parfois pour la première fois depuis le secondaire, alors...»

La chorégraphe est elle aussi passée par différentes étapes de remise en question? «Sarah a dû accepter de ne pas être sur scène, de transmettre son univers, apprendre à raconter une histoire visuellement et non seulement verbalement, découvrir qu'elle peut créer une pièce sans la porter toute seule sur ses épaules. Mais toutes ces nouveautés lui ont ouvert de nouvelles perspectives.»

En quelque sorte, Montréal Danse et Sarah Chase avaient respectivement besoin de cette étape pour évoluer: «Je choisis un chorégraphe parce que je tombe en amour avec son travail, insiste Kathy Casey. Mais ici, je dois avouer que le résultat a surpassé le meilleur de mes rêves.»

Émotion suprême

Lors de la première à Ottawa en juin 2008, les danseurs ont avoué qu'ils «n'avaient jamais eu aussi peur de leur vie». Simplicité apparente de la gestuelle, disponibilité, interprétation délestée d'artifice, partage d'expériences vécues, intimes et fortes, cette subtile tapisserie humaine, au fond, a demandé beaucoup de générosité, mais aussi de lâcher prise, à tous. «Le résultat a été du bonheur, exactement!» conclut Casey.

Maintenant, c'est devant le public aguerri de l'Agora de la danse, lieu que Sarah Chase connaît bien, que va opérer la magie subtile de Sur les glaces du Labrador. Avec beaucoup de chaleur humaine, assurément.

Sur les glaces du Labrador, de Sarah Chase avec Montréal Danse, du 10 au 20 septembre, 20h, à l'Agora de la danse.