Qu'est-ce qui fait un tube? Quelle est la recette pour obtenir un succès radio? «S'il y en avait une, tout le monde serait millionnaire», répondent les artistes, imprésarios ou producteurs de disques à qui la question est posée. HitLab, une entreprise établie à Montréal, ne semble pas du même avis. Elle propose à ses utilisateurs de déterminer le potentiel de leurs chansons en un clic de souris grâce à des formules mathématiques complexes et l'intelligence artificielle.

Une idée intrigante, aussi mise de l'avant il y a cinq ans par HitSongScience, établie en Californie et en Espagne. Dans les deux cas, les chansons des aspirantes stars sont décortiquées et surtout comparées à des milliers d'autres titres qui ont déjà cartonné. Plus le score obtenu par une chanson est élevé, plus grandes seraient ses chances de se transformer en or.

Il est tentant de comparer ce genre de procédé à une forme de divination assistée par ordinateur. Or, il s'agit ni plus ni moins que d'une forme d'étude de marché informatisée. Est-ce que ça marche? HitSongScience, qui aurait analysé plus d'un million de chansons, se vante d'avoir prédit le succès phénoménal de Norah Jones.

La fille américaine de Ravi Shankar écrit certes de belles chansons. Elle n'a toutefois rien inventé. L'utilisation de ressources comme HitSongScience et HitLab laisse-t-elle place à la nouveauté ou va-t-elle étouffer la créativité? Difficile d'éviter la question. Elle s'impose d'elle-même, d'ailleurs, lorsqu'on a pu assister à la première d'un concours à la American Idol que HitLab a conçu pour l'internet et dont les concurrents avaient été choisis en partie par leur «cote DHS», c'est-à-dire leur cote de succès potentiel.

Un pilote du concours HitLab a été tourné mercredi soir à l'Espace Dell'Arte en présence du chanteur R&B Akon, qui posséderait 50% des parts de cette entreprise disposant de son propre label. Des sept participants, trois ont été entendues au cours de la première heure: une chanteuse country folk du Colorado (Coles Whalen), une chanteuse R&B de Montréal (AnJulie) et la jeune Pamela, aussi du Québec. Devant eux, trois coaches: Veit Renn, un réalisateur associé aux succès de N'Sync et des Backstreet Boys, Rick Dobbis, un ancien imprésario des Rolling Stones, et Akon lui-même.

Ni Coles Whale, ni AnJulie, ni Pamela ne sont dépourvues de talent. Sauf qu'elles sonnent toutes comme d'autres chanteuses déjà entendues mille fois à la radio. Ici, l'internet, lieu ouvert susceptible de faire naître des voix originales, ne semble utilisé que dans l'espoir de vendre de la musique de façon traditionnelle: préparer le terrain pour le tube radio. Pas forcément payant sur le plan créatif, mais potentiellement alléchant sur le plan des affaires.

Il y a une dizaine d'années, des spécialistes de la littérature avaient analysé des listes de best-sellers afin de déterminer comment et pourquoi certaines oeuvres parvenaient à s'y classer et d'autres pas. Leur conclusion? La meilleure façon d'obtenir du succès... c'est d'en avoir déjà eu! Nul doute que cette vérité s'applique également à la musique. En ce sens, la logique du marketing divinatoire de HitLab et de HitSongScience n'est peut-être pas si folle que ça.