T'avais pas le droit, Jean Leloup, de nous faire croire qu'on aurait du fun avec ton pow-wow au Colisée. T'avais pas le droit de nous faire miroiter du plaisir si c'était pour nous malmener et nous sacrer dessus et nous dire qu'on était plates, même si on était prêts à te faire la fête. Soixante à quatre-vingt-dix dollars le billet pour se faire engueuler par une parodie de chef indien, faut vraiment être masochistes pour prendre son pied.

Il y a bien eu des gens dans les gradins pour te huer, pour te dire que ça n'avait pas de sens. Mais le pire, c'est que, dans le parterre, des fans irréductibles étaient prêts à tout te pardonner. «Arrêtez de crier pis de beugler, vous êtes en train de nous rendre imbéciles!» tu leur as lancé. Et ils ont continué d'applaudir... Et tu leur as dit que t'en avais rien à faire de leur admiration. Si c'est vrai, tu peux toujours jouer dans ton sous-sol.

Dans la première heure de spectacle (commencé avec une demi-heure de retard) : à peu près trois chansons, d'interminables improvisations sur des rythmes répétitifs, un embryon d'histoire d'Indien chassé par les colons, des chorégraphies approximatives, un ramassis de clichés. Suffit pas de se coiffer de plumes et de s'envelopper le torse dans la fourrure pour donner un bon show. Il faut de la rigueur, de la générosité et du respect - pour son propre répertoire comme pour son public. Malheureusement hier soir, ça faisait cruellement défaut.

On devait avoir droit aux vieux succès de Leloup pour cette première scène en cinq ans. Il était supposé avoir envie de faire plaisir au public. Ça a pris du temps, mais il y a en a eu des chansons à succès. Comme Cookie ou Isabelle. Quand celle-là a débuté, je me suis dit: «Enfin, sur la bonne voie.» Mais il a fallu qu'elle soit interrompue en plein milieu. Leloup avait juste le goût de puiser dans sa gourde. Ça ne se fait pas. Sauf si on se fiche complètement du public.

Je le précise : j'aime beaucoup Jean Leloup sur disque et j'avais vraiment envie de ce retour à la scène. Mais j'aurais pleuré si j'avais dû payer mon billet et, sauf si on me paie, jamais je n'aurai envie de revoir Leloup. Je me contenterai des CD.

Je ne serai pas la seule. Des fans en colère sont venus me confier leur profonde déception, ne comprenant en rien comment un artiste peut à ce point détester son public.

Environ six mille cinq cents personnes ont assisté au concert : un demi-succès. Le prix excessif des billets en aura sûrement découragé plusieurs. Un mystère demeure, toutefois : plus tôt cette semaine, le réseau Billetech affichait complet pour le parterre. Il n'était rempli qu'à moitié hier soir. J'imagine qu'on a voulu répartir la foule, éviter que les loges aient l'air vide.