L'an dernier, 100 longs métrages ont été produits au Québec, tous supports et plateformes confondus (cinéma, télé, vidéo, etc.). Alors qu'on constate ces jours-ci que l'été a été maussade aussi pour le cinéma québécois, une question cyclique refait surface: fait-on trop de films au Québec?

Depuis les records de fréquentation de 2005 (quelque 18% de part de marché), le cinéma québécois a connu une baisse constante de sa clientèle. Selon l'Observatoire de la culture et des communications du Québec, l'assistance aux films québécois a chuté de 11,9% entre 2006 et 2007 (pour 26 sorties commerciales). Elle avait dégringolé de 41,7% entre 2005 et 2006, après cinq ans de croissance.

 

Le scénario d'une nouvelle baisse s'annonce probable pour 2008, même s'il est trop tôt pour tirer des conclusions. Jusqu'ici, certains films attendus n'ont pas connu les succès escomptés, à l'image du Piège américain, qui malgré une campagne de promotion monstre, a engrangé moins d'un demi-million de dollars au box-office.

Pourquoi le public boude-t-il le cinéma québécois, se demande-t-on, alors que Le cas Roberge a cumulé de maigrelettes recettes d'environ 40 000$? C'est ici, à mon avis, qu'il faut relativiser les choses. Le cas Roberge est l'archétype cinématographique de la fausse bonne idée. Un concept sympathique pour un film bancal, qui rate sa cible (le milieu du showbiz, qu'il égratigne à peine) sans trouver son public. Il s'agit, en somme, d'un «cas» isolé.

Aussi, qu'on évoque dans l'industrie une «déception» face aux quelque 3,4 millions de recettes de Cruising Bar 2 (un film mauvais, au mieux) illustre bien un phénomène: les attentes irréalistes des distributeurs, producteurs et propriétaires de salles vis-à-vis de notre cinéma. Le mal est collectif. Il semble n'épargner personne.

Qu'un mauvais film ne fasse pas 5 millions au box-office ne saurait être déterminant dans le bilan de santé du cinéma québécois. D'autant plus que depuis cinq ans, on remarque au Québec - comme ailleurs dans le monde - une baisse constante de la fréquentation des salles de cinéma pour l'ensemble des films (québécois ou étrangers). On l'oublie trop facilement: 2005 reste l'exception qui confirme la règle.

Bref, il faut nuancer les déceptions des uns et les constats des autres. Que les résultats au box-office de films d'auteur grand public tels Maman est chez le coiffeur de Léa Pool (environ 630 000$ de recettes) ou Un été sans point ni coup sûr de Francis Leclerc (quelque 770 000$) ne soient pas satisfaisants est suspect. Et témoigne de la gourmandise d'une industrie dont les yeux - en forme de signes de dollars? - sont plus grands que la panse.

«Faut-il faire des films pour les ados? Faut-il cibler les baby-boomers?» se demande l'industrie du cinéma. La question qu'elle devrait plutôt se poser est «produit-on trop de films» ? Plusieurs estiment que oui (j'en suis). Parmi eux, il y a ceux qui trouvent que l'on devrait faire plus avec moins, et ceux qui trouvent que l'on devrait en faire moins avec plus. Les premiers ne comprennent pas que l'on donne 5 millions à un jeune cinéaste pour qu'il réalise son premier film. Les seconds s'indignent que l'on réduise le budget d'un film afin d'en produire deux ou trois de plus par année.

«Nous avons une production middle of the road. On calcule le nombre de films à la fin de l'année et on va se coucher content», me confie un producteur. «Qui, demande-t-il, avait assez de compétences à Téléfilm Canada pour refuser La trilogie du dragon de Robert Lepage et le forcer à fermer sa boîte de production alors qu'il est reconnu sur la scène internationale comme un grand metteur en scène contemporain?»

«Il faut calmer la balloune, quitte à revenir à un certain profil bas dans notre production», me confie de son côté un cinéaste. Le risque, en effet, est que la balloune finisse vraiment par péter.

Où sont les 30 millions?

Il y a un an, la nouvelle ministre du Patrimoine canadien Josée Verner précisait enfin la manière dont son gouvernement comptait investir en 2008 les 30 millions prévus au budget fédéral pour les festivals, «petits et grands». Un an plus tard, plusieurs se demandent si la totalité des sommes sera distribuée.

Le gouvernement conservateur se targue avec insistance ces jours-ci d'avoir injecté 30 millions dans les festivals. Une façon comme une autre de tenter de redorer son blason à l'aube d'élections générales et de faire oublier de récentes coupes indéfendables dans des programmes culturels. Or, selon nos sources, il semble qu'une partie des 30 millions promis n'ait pas encore été remise aux festivals. «On se moque de nous», m'a confié un organisateur de festival.

Les principaux grands événements, comme le Festival international de jazz de Montréal et Juste pour rire, ont reçu le million de dollars (plus ou moins) annoncé par le gouvernement fédéral. Mais pour plusieurs autres événements à qui l'on avait promis une aide, l'argent se présente en des sommes dérisoires, comme le révèle aujourd'hui ma collègue Nathaëlle Morissette.

Certains se demandent, dans les circonstances, si les 30 millions promis seront réellement investis. Ou s'il ne s'agit pas plutôt d'une promesse creuse d'un gouvernement dont le bilan, en matière culturelle, est tout sauf reluisant. J'ai posé la question hier au ministère du Patrimoine canadien. J'espère avoir une réponse avant la fin du règne de la ministre Verner.

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