Des milliers de Russes bravaient mardi la pluie battante pour pouvoir rendre hommage à Alexandre Soljenitsyne, dont la dépouille était exposée dans un hall de l'Académie des sciences de Moscou, avec une pompe digne de funérailles nationales.

L'ancien président russe Vladimir Poutine, aujourd'hui premier ministre, est ainsi venu se recueillir devant le cercueil ouvert de l'écrivain, recouvert de fleurs et flanqué d'une garde d'honneur militaire devant un grand portrait en noir et blanc. Près de la dépouille, la veuve du prix Nobel de littérature, Natalia, entourée de ses fils et petits-enfants, avait du mal à retenir ses larmes.

Alexandre Soljenitsyne, qui s'est éteint dimanche chez lui près de Moscou, à l'âge de 89 ans, doit être enterré mercredi au monastère Donskoï de Moscou.

Une foule d'anonymes attendait pour venir se recueillir devant sa dépouille et déposer des fleurs au pied de la bière. «C'est un grand citoyen russe et mon auteur préféré», expliquait Evguéni Bistrov, 56 ans, qui patientait sous la pluie, un grand parapluie noir dans une main et des oeillets rouges dans l'autre.

«Mon roman préféré c'est Le pavillon des cancéreux. Il y a tant d'optimisme dedans, de rage de vivre. Il ne vous impose jamais ses idées, mais il préfère vous donner à réfléchir et vous en venez à comprendre vous-même son sérieux et sa grandeur».

La plupart des personnes venues se recueillir étaient âgées de cinquante ans et plus, des Russes qui avaient lu les romans de Soljenitsyne à leur sortie dans les années 60 et 70.

«Des gens qui comprenaient la vie comme lui étaient notre dernier espoir», expliquait une femme aux cheveux gris qui s'est présentée comme une simple enseignante, sans vouloir donner son nom. «Aujourd'hui, les jeunes grandissent sans rien savoir».

Pour beaucoup de Russes d'aujourd'hui, Soljenitsyne apparaît comme le symbole austère d'une époque révolue, à l'héritage aussi complexe que le personnage lui-même.

Au début des années 70, sa trilogie L'archipel du Goulag, décrivant le système concentrationnaire en URSS depuis les premières années de la révolution bolchevique, avait choqué l'élite soviétique et inspiré toute une génération de dissidents.

L'auteur, qui a passé 20 ans en exil après 1974, suscite peu de sympathie chez les nostalgiques de la période communiste. Mais il s'était aussi aliéné les réformateurs à cause de son soutien de la politique de Poutine et ses atteintes aux réformes démocratiques en Russie.