Près de 2000 artistes et manifestants se sont réunis hier à l'invitation de Culture Montréal et du Conseil des arts de Montréal à la Société des arts technologiques (SAT) pour protester contre l'abolition de programmes culturels. Un défilé s'est ensuite improvisé dans la rue.

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À la SAT, l'une des institutions touchées par les coupes, plusieurs personnalités du monde économique, politique et artistique ont exprimé leur profond désaccord envers la décision du gouvernement fédéral de supprimer près de 45 millions de subventions.

«La culture a une importance économique au Canada: plus de 80 milliards de retombées économiques viennent de la culture», souligne Isabelle Hudon, présidente de la chambre de commerce de Montréal. «L'investissement en formation, ce sont des résultats tangibles, et c'est rentable», a pour sa part soutenu Michel G. Desjardins, le directeur de l'INIS, dont le budget a été amputé de quelque 900 000 $ par les coupes.

Du côté artistique, on a pu croiser hier le chanteur Pierre Lapointe, l'auteur Michel Tremblay, les danseurs Édouard Locke, Louise Lecavalier, Marie Chouinard et Anick Bissonnette, les cinéastes Charles Binamé, Kim Nguyen, Stéphane Lafleur, Anaïs Barbeau-Lavalette et Serge Giguère, les actrices Guylaine Tremblay et Catherine de Léan ou la directrice du TNM Lorraine Pintal.

«Il faut se questionner sur la sincérité d'un gouvernement qui reconnaît le peuple québécois comme une nation alors qu'il n'hésite pas à couper au coeur de la culture», affirme quant à elle la productrice et conjointe de Denys Arcand, Denise Robert.

Comparant le sort des artistes canadiens à celui des Juifs pendant la Shoah, le compositeur Walter Boudreau a conclu son allocution métaphorique par un «Heil Harper» accompagné du salut nazi, déclenchant rires et applaudissements dans la salle.

L'appel lancé par le milieu culturel a aussi été entendu du côté du monde politique. Des représentants de Québec solidaire, du Parti québécois, du Bloc québécois, du Parti libéral ou encore du Nouveau Parti démocratique ont joint leur contestation à celles des artistes.

«Les artistes ont toujours eu un rôle de contestation dans la société. Il faut les laisser libres. (...) Un gouvernement ne doit pas choisir ce qui peut être lu ou vu», estime le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. «Les coupes traduisent deux choses: un mépris total pour la culture, et une tentative d'empêcher des voix marginales et dissidentes de s'exprimer», croit Françoise David, porte-parole de Québec solidaire.

«La culture c'est mon métier, et une conviction que j'ai depuis toujours. Quand je vois des coupes arriver comme cela, je me dis que l'on coupe dans mon identité, en tant que partie d'un peuple. La culture, c'est l'identité d'un peuple. Il n'y a pas d'autre équation que cela. C'est un autosabotage que le gouvernement fait auprès de son propre peuple», déplorait pour sa part Pierre Lapointe.

Une lettre adressée à Stephen Harper a reçu plus de 1000 signatures. Un défilé improvisé s'est mis en branle rue Sainte-Catherine, sur le boulevard De Maisonneuve et dans la rue Saint-Denis. Le cortège, comptant moins de 1000 personnes, s'est ensuite rendu sur la Place des Arts. Les manifestants ont notamment crié le slogan: «À bas les coupures, on veut de la culture».

Ce n'est qu'un début...

L'événement d'hier ne sera pas le dernier organisé pour dénoncer les compressions du gouvernement Harper, promet la communauté artistique. Rien n'est encore officiellement annoncé, mais des idées circulent dans le milieu. Les compagnies de danse et de théâtre songent ainsi sérieusement à imprimer un mot dans leurs programmes ou à présenter une petite allocution avant chaque représentation pour sensibiliser le public à l'importance des subventions en culture. Des actions d'éclat sont aussi envisagées, comme un relais de la flamme artistique, de Montréal jusqu'au parlement d'Ottawa.