Isabelle Hayeur fait partie des artistes choisis pour la première Triennale d'art contemporain québécois au MAC. Chih-Chien Wang aussi. Tous deux se servent de la photographie. Mais les mondes qu'ils révèlent sont aux antipodes. Les deux valent le détour à la galerie de Pierre-François Ouellette.

Au Musée d'art contemporain, parmi toutes les installations souvent spectaculaires et même parfois tonitruantes qui sont exposées, les grands montages photographiques d'Isabelle Hayeur se font discrets. Ce qu'ils représentent a l'air tellement vrai que l'on peut facilement passer devant sans deviner que l'ensemble des choses vraies rassemblées dans l'image est faux. Chez Pierre-François Ouellette Art contemporain, l'illusion se poursuit. On y trouve deux longues photos panoramiques qui se font face. L'une montre un paysage désertique. L'autre un paysage habité de petites maisons qui se suivent sur une pointe jusque dans le fleuve ou la mer. Mais voilà ce qui est troublant: le chemin qui traverse les deux panoramas est exactement le même, les montagnes sont les mêmes.

Le montage de ces deux photos est tellement parfait qu'on les croirait prises sur le vif. Avant et après une catastrophe. Elles font partie d'une série qui s'intitule Les routes de sel et qui fut montrée au Musée national des beaux-arts du Québec.

C'est un véritable casse-tête que d'essayer de défaire ce puzzle pour trouver les morceaux avec lesquels il est construit. Il y a dans le travail d'Isabelle Hayeur des remises en question sociales et écologiques qui ne sont jamais lourdes. Et qui font discrètement leur chemin vers les visiteurs.

Chih-Chien Wang, qui pratique la vidéographie et la photographie, se préoccupe quant à lui du sujet qui évolue dans un espace et qui en est partie prenante. Au Musée d'art contemporain, il présente des vidéos montrant des gens en mouvement dans différents espaces avec lesquels ils interagissent. «L'espace est un contenant, dit-il dans le catalogue de l'exposition du MAC. Nous vivons dedans, nous le touchons, nous le manipulons, mais toujours il nous contient. Le contenant change et se transforme, peu importe notre manière de bouger, c'est la contrepartie qui complète le moi»

Chez Pierre-François Ouellette, le sujet qui se déplace, c'est l'artiste. On ne le voit pas, mais on voit les effets qu'il a. Les photos sont faites avec presque rien: des raclures de haricots, du tofu sur un linge posé sur un divan, une montagne de neige sale devant laquelle poussent des pissenlits. Il construit ses images avec le réel de son quotidien. Aux photos s'ajoute une vidéo en trois écrans. Chaque écran présente en temps réel 24 minutes de la vraie vie de Wang. Une rue illuminée la nuit vue de chez lui, des haricots qui tombent, des mots qui s'écrivent en chinois pendant que des queues de fraises tombent. La vie est un long fleuve tranquille