Héraut du mouvement britpop des années 90, le groupe britannique Oasis, réputé pour ses fracassants succès autant que pour les frasques des frères Gallagher, sera à Montréal pour la troisième fois seulement. En attendant le concert de vendredi prochain - la dernière visite remonte à l'été 2002, dans un centre qui s'appelait encore Molson -, entrevue avec le chanteur Liam Gallagher.

Ce n'est pas avec la grande gueule d'Oasis, le guitariste et principal compositeur Noel Gallagher, que nous allons converser, mais avec son frère cadet Liam, moins prompt aux déclarations-chocs qu'aux coups de gueule sans conséquence et autres spectaculaires débauches - même s'il admet s'être finalement assagi au rayon des libations...

Plus douce, donc, cette entrevue, mais néanmoins engageante et amusante. «Hey mate, you all right?» s'enquiert d'abord la star avec son typique accent mancunien. «All righhhhhtttt» Il est relax aujourd'hui, Liam Gallagher, joint à son domicile londonien après une journée de répétition en vue de la tournée mondiale d'Oasis.

Avec ce ton badin et sympathique, des commentaires spontanés, le chanteur ne donne pas une seconde l'impression d'être cette rock star confite dans l'alcool et la cocaïne que les médias britanniques nous ont tant décrite durant l'ascension vers la gloire du groupe. Liam, l'antistar? En tout cas, nous ne sommes pas très loin de l'image de «cols bleus» que, malgré tout, ces musiciens ont su se donner depuis leurs premiers succès, il y a 14 ans.

Quatorze ans, six albums studio - le septième, Dig Out Your Soul, est attendu le 7 octobre prochain - et des milliers de concerts partout dans le monde. Les tournées, Oasis en a l'habitude, bien que l'embauche d'un nouveau batteur ajoute un minimum de risque à l'entreprise. Un mois complet de répétitions avec ce Chris Sharrock, qui assurait auparavant le rythme au sein du groupe de Robbie Williams! «Eh! batteur pour Williams, it's a fuckin' job, fallait bien que quelqu'un la fasse»

«Franchement, on ne se lasse jamais de donner des concerts partout sur la planète», assure Liam Gallagher, qui a donné son premier concert de la tournée à Seattle mardi dernier. «À chaque nouveau départ, nous avons hâte de voir si le monde a changé depuis la dernière fois. Et, même si on s'arrête dans des villes où nous avons déjà donné des concerts, on y découvre toujours de nouveaux endroits.»

Quatre nouvelles chansons sont au programme, «juste quatre, pas trop, on ne veut pas saouler les fans, ils veulent les classiques. Un bon mix. C'est très excitant de reprendre la route.» Excitant? Surtout lorsque l'inspiration est à bord, pourrions-nous ajouter. Car après des années de panne d'inspiration, Oasis semble avoir retrouvé ses moyens.

Creuse, et creuse encore

Oasis a connu ses heures de gloire lors de l'explosion britpop, durant les années 90. Formé en 1991, le groupe piloté d'une main de fer par Noel Gallagher a connu d'explosifs débuts lorsque les amateurs de rock ont découvert Definitely Maybe, premier et (toujours) fantastique album du groupe, régulièrement cité dans les palmarès des meilleurs albums pop et rock britanniques.

L'année suivante, (What's the Story) Morning Glory? a consolidé la réputation d'Oasis, dont la popularité avait alors réussi à traverser les frontières grâce à de puissants singles tels que Wonderwall, Don't Look Back in Anger et Champagne Supernova.

C'est donc un sacré héritage que traînent - comme un boulet, diront certains - les membres d'Oasis. Qui ont connu un sérieux passage à vide au début du millénaire en lançant, coup sur coup, deux albums tombés à plat, Familiar to Millions (en 2000) et (2002). Deux albums par ailleurs affectés par la guerre fratricide que se livraient alors les Gallagher; en 2000, Noel avait menacé de quitter le groupe en pleine tournée mondiale après les commentaires disgracieux de son frère à l'endroit de sa femme.

Don't Believe The Truth, lancé en 2005, a été une rédemption pour le groupe, toujours aussi populaire auprès des tabloïds britanniques (), mais pas mal moins auprès des critiques. «Les critiques? I don't give a fuck, laisse tomber Gallagher. Je les ai aimés, ces albums - je les aime encore, les fans les ont aimés, c'est tout ce qui compte, tu comprends?» Après moult tribulations extramusicales, les frères Gallagher avaient alors réussi à pondre leur meilleur effort depuis Be Here Now (1997).

S'amène aujourd'hui Dig Out Your Soul, une collection de chansons que Noel Gallagher promet «colossale». Liam: «Yup, on s'est retrouvés encore à Abbey Road pour enregistrer l'album», l'automne dernier. «Session intense, de 10h à 3h. On devrait toujours enregistrer nos disques de cette manière. Le nouvel album est assez heavy, honnêtement. Heavy, with classic Oasis songs.»

«Votre frère a récemment confié au magazine MOJO qu'à son avis, il n'y avait pas de singles sur cet album. Qu'en pensez-vous?

- Pas d'accord C'est plein de fuckin' singles là-dessus!»

Deux déjà ont trouvé leur chemin sur la toile. Falling Down, remixé par les Chemical Brothers, un choix de collaborateurs qui nous ramène aussi dans les années 90 Et, surtout, The Shock of Lightening, premier single officiel, déjà doté d'un vidéoclip. Si Dig Out Your Soul est à l'image de ce premier single, tout indique qu'il sera pesant, guitares électriques à l'avenant.

À nouveau, le travail d'écriture a été partagé entre les deux frères et le guitariste Gem Archer. «Je suis d'abord et avant tout le chanteur, c'est le rôle que je préfère. Mais je prends de plus en plus à coeur la composition - je signe trois chansons (sur 11) du nouvel album», attendu de pied ferme par les fans et la critique.

Oasis contre le monde

Tactique de marketing? Ces dernières semaines, le clan Gallagher y est allé de déclarations-chocs qui, encore une fois, ont rapidement fait le tour du monde.

En avril dernier, Noel Gallagher a désapprouvé publiquement le choix du rappeur Jay-Z comme tête d'affiche de l'incontournable festival musical Glastonbury, arguant que l'événement avait été «bâti sur une tradition de musique à guitares». La star du hip-hop américain a répliqué d'élégante manière, commençant son concert à Glastonbury guitare au cou et chantant Wonderwall. La prise de bec a même inspiré des bidouilleurs, 2dopeboyz, à créer Cookin'Soul's OJAYZIS: Jay-Z vs Oasis (www.2dopeboyz.com), un mash-up des chansons du groupe serti des rimes de l'Américain!

Tout récemment, sur les ondes de la BBC Radio 1, Noel Gallagher a déversé son fiel sur une poignée de stars britanniques, du producteur à la mode Mark Ronson («Il devrait apprendre trois accords à la guitare et écrire une chanson au lieu de ruiner celles des autres») à Amy Winehouse («Un cheval malade»). Le groupe Kaiser Chiefs a aussi goûté à la médecine de Noel Gallagher lorsque ce dernier l'a comparé aux Monkees, l'ancêtre des boys bands.

Comme pour montrer à son frère qu'il a aussi des opinions vite faites, Liam s'est livré à un journaliste du Guardian. Pour lui, les fans de Coldplay et Radiohead sont «ennuyants et laids».

On a beau le titiller, Liam n'a pas envie d'en rajouter. Ou, juste un peu. «Nan, je n'écoute pas la musique des jeunes, dit-il. All shit. Boring stuff. Personne ne sait écrire de chansons. Ils ne se préoccupent que de savoir s'ils font assez indie. Et leurs albums ne sonnent pas bien; moi, j'aime le big fuckin' classic rock!»

Oasis, en spectacle le 5 septembre, 20h, au Centre Bell.