Point d'orgue de la commémoration des 20 ans du décès de Félix Leclerc, une compilation pilotée par la fille du poète fait revivre de magnifique façon certaines de ses plus belles chansons. Un bel hommage auquel contribuent Fred Pellerin, le groupe Karkwa et la chanteuse Johanne Blouin.

On n'a pas vu le nom de Félix Leclerc au sommet des palmarès depuis belle lurette. La dernière fois, c'est quand Johanne Blouin a publié Merci Félix, un album de reprises qui a connu un succès phénoménal à la fin des années 80. «On avait respecté l'essence de ses chansons, dit aujourd'hui la chanteuse. Ça les a fait découvrir aux plus jeunes et les plus vieux, eux, les ont redécouvertes autrement.»

Johanne Blouin n'est pas étrangère à la parution de l'album collectif Félix Leclerc à paraître mardi chez Tacca. Nathalie Leclerc planchait déjà sur ce qui allait devenir Félix, l'homme de paroles, présenté aux FrancoFolies, mais elle avait tout naturellement pensé à faire un album. «L'idée s'est concrétisée et Nathalie, avec raison, a pris le projet en main», raconte la chanteuse.

Tacca et l'équipe de Nathalie Leclerc ont recruté 14 artistes, tous des Québécois sauf Patrick Bruel. Chloé Sainte-Marie, Richard Séguin et Fred Pellerin y reprennent les chansons qu'ils ont interprétées à la salle Maisonneuve de la Place des Arts le mois dernier. Gilles Vigneault (Moi, mes souliers), Marie-Élaine Thibert (Bon voyage dans la lune) et les autres y proposent des morceaux enregistrés pour l'occasion.

Karkwa

Le tour de l'île

«Je viens d'un milieu très chanson, dit d'emblée Louis-Jean Cormier, chanteur et guitariste du groupe Karkwa. Avec mes parents et ma famille élargie, j'ai baigné dans Vigneault et Leclerc. Toucher à cette chanson-là m'a ramené des souvenirs et des émotions de jeunesse.»

Karkwa s'est littéralement approprié Le tour de l'île, pour en faire un rock atmosphérique et très intense au plan émotif. Il en a fait du Karkwa, en somme. Du très bon Karkwa, même.

«C'est une chanson qui veut vivre d'elle-même, mais ça n'a pas été super facile. Sa mélodie est incroyable, mais la gestion des nombreux couplets a été difficile, dit-il. On a essayé de faire vivre la chanson au rythme auquel le texte avance.

«C'est l'un des plus beaux textes de Félix Leclerc, poursuit Louis-Jean Cormier, parce qu'il l'a écrit à une époque où il s'en permettait un peu plus. Il s'autorisait à être cinglant, c'était vraiment un poète à maturité.» Karkwa a encore peaufiné sa version du Le tour de l'île après l'avoir enregistrée pour cet album collectif et l'a interprétée plusieurs fois au cours de l'été.

Fred Pellerin

Douleur

Le conteur Fred Pellerin a découvert les chansons de Félix Leclerc alors qu'il se tenait à La Pierre angulaire, à Saint-Élie-de-Caxton, où le 10e anniversaire de la mort du patriarche de la chanson québécoise a été souligné par une série de spectacles. «Il y avait du Félix mur à mur à l'été 1998, se souvient-il. Moi, je l'avais plus lu qu'entendu et là, il m'arrivait chanté.»

Or, pris par son propre spectacle, Fred Pellerin a d'abord refusé de participer à l'hommage à Félix. «Je ne voulais pas botcher», dit le conteur. Les producteurs ont patienté, puis sont revenus à la charge. Il a fini par accepter. Heureusement. Sa version de Douleur (en formule guitare-voix), qui clôt l'album, en est l'un des moments les plus émouvants.

«J'ai eu la chienne quand je suis arrivé en studio», avoue-t-il. Fred Pellerin a demandé au réalisateur Marc Pérusse de lui faire écouter quelques morceaux et, quand il a constaté que plusieurs s'étaient lancés dans de grandes orchestrations, il s'est demandé s'il allait faire le poids. «Je me sentais minuscule tout d'un coup, dit-il. Moi, Félix, je trouve ça beau à la guitare.» Il a raison.

Johanne Blouin

Ce matin-là

Il y a 20 ans, Johanne Blouin a chanté Félix à la suite d'une invitation qui lui avait été faite de reprendre Le p'tit bonheur. Peu à l'aise à l'idée de le faire dans le style chansonnier («ce n'est pas ma force», dit-elle), elle a tiré la chanson vers le blues. «Étant issue du jazz, j'avais plus ou moins conscience de toucher au grand Félix», raconte-t-elle.

Avant de publier Merci Félix, la chanteuse tenait à obtenir l'assentiment du principal intéressé. Elle l'a obtenu. Nul doute qu'il lui donnerait de nouveau son accord en entendant ce qu'elle a fait de Ce matin-là, 20 ans après s'être frottée à son répertoire pour la première fois.

«La commande de Tacca était de rester près de ce qu'on est», dit-elle. Du jazz, donc. «J'ai choisi une chanson qui n'avait rien à voir avec Merci Félix et un côté de lui qui est plus l'homme amoureux, passionné, déchiré et torturé, expose-t-elle. On le sent très bien dans Ce matin-là. On retrouve ce côté-là de Félix dans plusieurs de ses chansons.»