«Il paraît qu'elle est pas pire, la pièce de cette année», déclare avec aplomb Denise, la propriétaire du gîte de Carleton-sur-Mer, où s'est amorcée ma «tournée» théâtrale en terre gaspésienne.

La pièce en question, L'assassinat d'Andrew Jackson, est coproduite par les Gaspésiens du Quai-des-Arts et la compagnie montréalaise Hôtel-Motel. Et, à mon humble avis, elle était mieux que «pas pire», grâce à un texte intelligent de Philippe Ducros, à des interprètes bien dirigés et à une belle recherche musicale signée Ludovic Bonnier.

Et surtout, surtout, il s'agit d'une création empreinte d'un propos social et historique, souvent amusante mais qui ne donne pas dans le comique forcé. En d'autres termes, une véritable sinécure pour une chroniqueuse de théâtre intoxiquée par trop de pièces d'été lourdes et ringardes.

Soyez rassuré: les tenues légères et les maris dans le placard ne sont pas près de prendre la porte (claquante!) des théâtres privés. Pour vendre des billets, ces derniers sont contraints de plaire à un public qui veut surtout voir des vedettes de la télé, manger un bon repas et prendre un petit verre sur la terrasse. Parce que, sans visages connus, sans gags légers et sans buffet «à volonté», le théâtre non subventionné ne peut survivre.

Mais (heureusement!) il y a quelques rares exceptions. Qui subsistent évidemment grâce aux bailleurs de fonds. Le Petit Théâtre du Nord, à Boisbriand, qui prête sa scène à de jeunes auteurs. Et puis il y a la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent, où j'ai rencontré des artistes qui croient à la démocratisation du théâtre et à la nécessité de créer hors du circuit montréalais.

Tout n'est pas rose, pour ces compagnies. «Il y a énormément d'offre culturelle dans la Baie-des-Chaleurs. Et beaucoup de spectacles gratuits», explique Myreille Allard, présidente des productions À tour de rôle, que j'ai rencontrée dans le jardin du Quai-des-Arts. En 27 ans d'existence, cette compagnie établie à Carleton-sur-Mer a présenté des créations signées Évelyne de la Chenelière, Louis Champagne, Emmanuelle Jimenez, François Archambault...

«Nous avons une belle saison cette année, avec environ 30, 35 personnes par soir (dans une salle qui peut en recevoir quatre fois plus). Une chance qu'on a des bailleurs de fonds parce que, sinon, on fermerait. On fait un théâtre de création et de contenu. Mais souvent, les gens nous demandent si nos pièces sont comiques ou burlesques. On a tellement fait d'efforts, ici, pour soutenir un théâtre intelligent, qu'on ne peut plus reculer.»

À Carleton, à Bonaventure et au Bic, j'ai rencontré des artistes de théâtre animés par la volonté de créer intelligemment en région, l'été. Des Montréalais (Dany Michaud et Philippe Ducros) qui ont l'ambition de passer de plus en plus de temps en Gaspésie, pour travailler et s'offrir une meilleure qualité de vie. J'ai découvert une véritable perle d'auteur qui s'appelle Cédric Landry, un Madelinot qui s'est installé pour de bon à Rimouski.

Point de salut pour le théâtre, hors de Montréal et de Québec? L'été prochain, allez voir ce qui se fait de bon au théâtre dans la Baie-des-Chaleurs et au Bic. Vous verrez que l'été, on peut très bien faire du théâtre intelligent sans se prendre la tête.