«Si une chanson se tient avec une voix et une guitare, le monde nous appartient...»

Michel Rivard, on ne vous apprendra rien, est un gars de guitare. Rappelons-nous juste le décor de son spectacle Le goût de l'eau, au Saint-Denis: des guitares suspendues à des fils.

L'ancien guitariste de Beau Dommage possède une trentaine d'instruments qu'il garde en différents lieux - «Je n'ai pas de show-room» - selon leur fréquence d'utilisation. Ses guitares "principales" sont fabriquées selon ses spécifications par des luthiers québécois. Ses deux Boucher viennent de Berthier-sur-Mer, où travaille Claude Boucher, héritier de l'art de son père Norman, des guitares mythiques du même nom dans les années 70; les XXL électriques de Rivard, par ailleurs, sont l'oeuvre du luthier montréalais Marc Lupien.

Une voix, une guitare... «Ce qui m'impressionne, ce n'est pas ceux qui jouent à 100 milles à l'heure - je n'ai pas de guitar hero de ce genre-là - mais ceux qui ont une façon originale de s'accompagner.» Et Rivard de citer Joni Mitchell, James Taylor, qu'il a vu au début du mois au Centre Bell, et «le vieux Bob Dylan» chez qui «l'osmose» guitare-voix est unique.

Comme Félix Leclerc, ici. «À son premier voyage à Paris, Félix habitait le même immeuble que Django Reinhardt, qui lui avait montré des accords de jazz manouche. Félix les a adaptés à la chanson et à son style, en les arpégeant avec ses cinq doigts... Ça s'pouvait pas! Félix, c'est le premier des inimitables.»

Tim Brookes ne connaît ni Michel Rivard ni Félix, mais il est comme eux un amant de la guitare. Frappé par le malheur, lui. Un jour, en descendant de l'avion, il se rend compte que sa vieille Fyelde est cassée.

Sa femme lui paye une guitare neuve pour ses 50 ans, mais le Britannique ne trouve pas «l'âme soeur» dans les magasins et s'en remet finalement à un luthier du Vermont, Rick Davis, qui participait lui aussi au Salon de la guitare du Festival de jazz, au début de juillet.

«Un luthier est un gars qui fabrique des guitares à 2000$», nous dira Tim Brookes en riant, avant de raconter comment cette rencontre avec le guitar maker l'avait lancé dans une recherche qui donnera le livre Guitar - An American Life (Grove Press, N.Y., 2005).

«J'ai voulu raconter comment la guitare, instrument des jeunes filles bien autant que du pauvre et du sans-abri, était devenue une icône de la culture américaine.» Un must pour les amants de la guitare, pratiquants ou pas.

Elle vient de loin, la guitare: elle est passée de la côte ouest vers l'est, du sud vers le nord, des salons aux bouges. Dans l'orchestre jazz, elle sera tenue à un rôle rythmique (sans amplification) jusqu'à ce que Charlie Christian, un virtuose noir de la guitare électrique, s'impose comme soliste dans l'orchestre (blanc) de Benny Goodman.

Après vinrent Arlo Guthrie, Bob Dylan et Jimi Hendrix qui, comme Félix, a dû s'exiler avant d'être reconnu. Ici, pendant ce temps, des ti-culs comme Michel Rivard se faisaient la main. Entre Bozo et Purple Haze.