Depuis que le prix Découvertes RFI lui fut décerné en 2006 par Radio France Internationale, BélO a soulevé l'intérêt de la presse spécialisée dans les musiques du monde. Intérêt parfaitement justifié, car cet Haïtien a tout d'un artiste phare dans la Caraïbe. Son puissant raganga est le véhicule musical d'un engagement indéfectible pour Haïti,l'île magique qu'il ne compte surtout pas déserter.

Signé Jean Bélony Murat dit BélO, l'album Lakou trankil est sorti en août 2005 en Haïti, son répertoire a fait boum. Son créateur, un jeune diplômé en sciences comptables, fut propulsé illico : prix Découvertes RFI en 2006, tournées en France, en Afrique de l'Ouest et même au Québec l'an dernier. Référence, un deuxième disque de son cru cette fois réalisé à Miami, vient d'être lancé avec la participation de musiciens de renom tel le superbassiste camerounais Richard Bona.

Au Festival international de musique haïtienne de Montréal où il se produit aujourd'hui, l'artiste de 28 ans incarnera une nouvelle génération d'auteurs-compositeurs-interprètes haïtiens ayant pris modèle sur les Manno Charlemagne, Wyclef Jean, Émeline Michel et autre Beethova Obas. Son amour pour le reggae l'a aussi mené à adopter des inflexions de Bob Marley et Buju Banton, qu'il intègre dans une nouvelle pop créole - comme l'ont fait précédemment Mika Benjamin ou encore notre Luck Mervil.

«Ma musique est une combinaison à forte teneur de reggae, mais aussi avec tout ce qui est musique caraïbéenne avec pour base la musique haïtienne traditionnelle - vaudou, rara, musique des rues, toutes riches en rythme et en mélodie. Mais je ne reprends pas les rythmes haïtiens tels qu'ils sont joués dans les cérémonies ou dans les fêtes profanes. Dans mon nouvel album, par ailleurs, le jazz est très présent. Chez moi, on nomme raganga ce mélange de reggae-soul-racines.»

BélO n'a aucun mal à justifier la présence du roots reggae et du dub parmi ses matériaux de base. «Le reggae est une musique caraïbéenne, les Haïtiens l'ont aussi dans le sang. D'autant plus que cette musique se prête au message, à l'évocation de ce qui doit être changé dans la société. Et puisque la société est malade en Haïti, le reggae est un genre musical très approprié pour le message que je veux faire passer.»

Chanson engagée

Joint à Pétionville, banlieue relativement aisée de Port-au-Prince (moins qu'autrefois), BélO explique son parti pris pour la chanson engagée.

«Lorsque j'ai pris la décision de faire un premier album, tout le monde chantait l'amour, le soleil et la mer en Haïti. J'ai alors voulu faire quelque chose de différent en joignant l'agréable à l'utile. Rapidement, c'est devenu une responsabilité, tout le monde compte sur moi et je ne veux pas renverser la tendance.»

À l'instar de l'album Lakou Trankil, en déduit-on, les thèmes de Référence sont sociaux : enfants des rues, prévention contre les MTS, plaidoyer contre la violence, etc.

On devinera aussi que BélO refuse de joindre la diaspora haïtienne.

«Je choisis de rester au pays car je prône la nécessité du changement, la résolution des problèmes du pays. On ne peut être loin du pays et prétendre vouloir changer les choses. Dans ma chanson Istwa dwôl, par exemple, je demande aux jeunes de rester au pays. Si je demande aux jeunes de rester, je dois le faire aussi.»

Encore associé à la jeunesse, BélO n'a certes pas connu le désenchantement de ses aînés : «Je suis très optimiste pour Haïti. Et je crois que ce changement ne viendra pas d'ailleurs; si chacun faisait de son mieux, la situation pourrait être renversée. Et il faut rappeler qu'Haïti n'a pas toujours été ainsi... Or, depuis deux ou trois ans, des signes encourageants, permettent de retrouver foi au changement.

«À Port-au-Prince, par exemple, la sécurité est meilleure qu'elle ne l'était il y a quatre ans. Le reboisement a été le thème central du dernier carnaval; dans cette optique, j'ai écrit une meringue pour sensibiliser les gens à planter les arbres et protéger l'environnement. Si on continue sur cette lancée, on pourra arriver à quelque chose de concret.»

BélO se produit aujourd'hui au parc Jean-Drapeau - ouverture à compter de midi. Au programme, entre autres invités : Black Parents, Tonton Bicha, T-Vice, Carimi, Kreyol La, Djakout Mizik.Le festival se poursuit demain.