On passe notre temps à attendre d'un festival de l'envergure des FrancoFolies qu'il concocte des grilles horaires bourrées de primeurs. On s'attend à ce qu'il attire de la visite rare. On exige secrètement que sa programmation donne à entendre le meilleur du passé, du présent et de l'avenir de la chanson francophone. Tout en exigeant secrètement qu'elle corresponde à nos goûts. Bref, on fait les difficiles.

Pour souligner ses 20 ans, les FrancoFolies auraient pu choisir de concocter une espèce de présentation anniversaire pleine de clins d'oeil à sa courte histoire. Ce sera peut-être le cas, d'ailleurs: on ne sait encore rien de la programmation extérieure. Mais en regardant la liste des spectacles en salle, il est clair que les Francos 2008 se conjuguent au présent et continuent à regarder de l'avant.

Avec Camille, Cali et Jeanne Cherhal trois habitués des Francos on demeure en phase avec les phénomènes actuels de la chanson française. Sentiment confirmé avec la présence d'artistes estimés dont le rayonnement est, pour le moment, moindre: Rose, Pauline Croze, Arman Méliès, Benjamin Biolay et Mademoiselle K. Dans le cas de Thomas Dutronc, dont l'album Comme un manouche sans guitare est sympathique sans plus, on demande à voir pour croire.

Objet de toutes les critiques pendant longtemps pour cause de spectacles fourre-tout, la série présentée à la Place des Arts continue de prendre du mieux. On n'attend pas grand-chose du spectacle d'ouverture, animé par les inégales et omniprésentes Moquettes Coquettes, auquel participeront des artistes connus (Michel Rivard, Dan Bigras, Yves Lambert) et presque inconnus (Navet Confit, Éric Patenaude). Voir des chanteurs défiler pendant deux heures suffit rarement à faire un bon show.

On entretient aussi un doute au sujet de la carte blanche à Michel Fugain pour des raisons semblables, mais on donne la chance au coureur en ce qui a trait au spectacle de clôture consacré à Félix. On n'en connaît ni les interprètes ni le programme, mais la présence de Dominic Champagne à la mise en scène inspire confiance. Pour le reste, rien à redire. On se réjouit même d'y voir les noms de Véronique Sanson et Richard Séguin, deux marathoniens de la chanson.

On regrette que la formule «artiste en résidence», qui avait donné lieu à de fascinants triplés de la part de Malajube et Karkwa, n'ait pas été rééditée. Les artistes susceptibles de se prêter à ce genre de jeu ne sont peut-être pas très nombreux. Or, on aura droit à deux événements: Mutantès, une création de Pierre Lapointe, et Un piano, une voix, 100 chansons, série de spectacles où Gregory Charles entend revisiter 50 ans de chanson francophone. Deux paris audacieux, deux invitations alléchantes.

Ceux qui, l'an dernier, ont pleuré la fermeture du Spectrum, trouveront peut-être une occasion de se réjouir cette année: relogée au Cabaret Juste pour rire, la série Hip Rap Rock débutera une heure plus tôt, soit à 22 h. Concrètement, cela ne signifie pas nécessairement qu'on va se coucher une heure plus tôt, mais que les artistes qui se produiront en deuxième lors de ces programmes doubles ne chanteront plus devant des salles fatiguées, éteintes ou presque vides. Ce n'est pas un détail dans une série «découverte».

Où que l'on regarde, il y a du bon dans cette programmation des 20es FrancoFolies. Toutes les primeurs ne suscitent pas un enthousiasme délirant (Yannick Noah? Mouais... Stephan Eicher? Faut voir...), mais il s'agit clairement d'une année de vaches grasses. Ce n'est pas une année placée sous le signe du vedettariat, mais de l'artisanat chansonnier avant tout. Excellente nouvelle.