Véronique Sanson ne roule pas au carburant fossile, force est de le constater. Au Théâtre Maisonneuve, la femme de 59 ans avait visiblement choisi les énergies renouvelables, celles de la pérennité. On était loin de l'épreuve dinosaurienne qu'on aurait pu traverser, comme cela se produit parfois aux FrancoFolies.

Prête à exploser dès la première mesure, elle a aisément comblé le vide de 15 ans qui séparait la soirée d'hier de son escale précédente. Sourire étincelant, fringues noires bridant sa taille de guêpe, crinière balayant l'atmosphère, la Véro avait visiblement pris au sérieux ses retrouvailles montréalaises. À se demander si c'était trop, tellement elle était branchée sur le 220!

Une introduction pop rock digne des shows d'aréna dresse la table de la chanson Monsieur Dupont, avant laquelle son interprète a fait le plein d'applaudissements pour ensuite s'asseoir au piano. S'ensuit la steelydanesque Je suis la seule, avec attitude rock.

Extatique, aux frontières de la transe, la blonde Parisienne nous cause de la lune, de cette «merveilleuse attirance» puis... elle perd le fil de sa présentation et se rabat sur Toi et moi. Toujours armée de son épais vibrato, elle enchaîne avec l'environnementale Un peu d'air pur et hop, reggae rock dont l'entrée en matière rappelle étrangement Walking On The Moon de The Police.

Ses fans québécois (sans compter de nombreux Français présents dans la salle) ont finalement droit à une première paire d'hymnes connus: ils sont invités à chanter Vancouver, fameuse power ballade, suivie de l'incontournable Amoureuse qui nous vaut quelques félines onomatopées... et qui lui vaut une première ovation.

D'aucuns ont alors le sentiment que le spectacle a décollé pour de bon.

Après l'amour magnifié, les douleurs s'ensuivent: Je me suis tellement manquée. Puis l'inquiétude affective, avec de vraies larmes dans l'interprétation: Seras-tu là? Au tour du ressentiment amoureux et des règlements de compte: Les choses qu'on dit.

L'esprit redevient rock avec Dans la même ville, et Sanson a la gentillesse de nous chanter Bahia, sertie de «caresse-moi!» pour le moins prescriptifs. Après l'évocation de la louve solitaire dans la bluesy Sans regrets, elle évoque un mauvais souvenir de tromperie en Californie, Sad Limousine (écrite en anglais, puisque le coupable est vraisemblablement anglophone). La réminiscence de Marie n'est guère plus jojo - la narratrice y décrit un triangle de feu dont l'enjeu est cette fois masculin.

Comme il se doit dans la dernière ligne droite d'un spectacle de haute volée, le groove latin de la fameuse Alia Souza et la dynamique des excellents musiciens sur scène (deux choristes masculins, guitare, basse, batterie), arrache les fans de leurs sièges. Comme leur hôtesse, ils seront survoltés jusqu'au rappel avant lequel leur Véro leur aura offert Rien que de l'eau.

Ainsi, la chanteuse et pianiste, auteure et compositrice, aura choisi de ne pas insister sur ses classiques, évitant les Besoin de personne, Comme je l'imagine et autres L'irréparable...

Avant ce retour réussi, la Montréalaise Catherine Major s'est fait de nouveaux amis. On sait à quel point ces brèves prestations peuvent être casse-gueule. Venue en trio (Mathieu Désy, contrebasse, Alex McMahon, batterie), la pianiste et chanteuse (à l'instar de Véronique Sanson) n'a vraiment pas raté sa chance, révélant en un court instant toute la profondeur de son talent, ovation en prime.