On annonce la mort de la peinture depuis l'invention de la photographie. Elle est encore loin d'agoniser, si l'on se fie aux tableaux de 25 étudiants, parmi les meilleurs de cinq universités canadiennes, exposés à la galerie Art mûr.

La peinture est peu présente dans la Triennale d'art contemporain québécois au Musée d'art contemporain, cet été. Elle cède la place aux installations et à l'art vidéo. C'est le choix des conservateurs du musée. La galerie Art mûr a fait un autre choix: elle laisse la peinture envahir les deux étages de cet ancien magasin de meubles de la rue Saint-Hubert. Les 25 étudiants, cinq par université - UQAM, Concordia, Laval, York et Ottawa - ont été choisis par cinq professeurs, un par université. Le résultat est étonnant. La peinture est un mode d'expression qui semble inépuisable. En plus de faire preuve d'originalité, les étudiants choisis ont souvent une maîtrise étonnante du médium.

Voici quelques exemples. Devant le grand tableau d'Andrew Morrow (Ottawa), Summer 1978, on croit avoir affaire à un paysage romantique de glaciers comme en faisaient certains peintres qui idéalisaient la nature au début du XXe siècle. Mais cette beauté lumineuse est tachée du noir d'explosions au loin tandis que, un peu partout sur les glaces, une multitude de petits personnages s'adonnent à des scènes de guerre et de chasse (au phoque, à l'orignal, à l'ours...) et aussi à des scènes de loisirs. Ce tableau est tellement riche de détails qu'on peut l'observer longtemps sans tout voir.

Il faut voir comment François Georget (UQAM) traite le portrait classique. Voici un homme en habit napoléonien, pinceau à la main, le visage éclaté. Le regard noir. Il rit. Le tableau porte d'ailleurs le titre de Portrait classique. Un autre tableau du même étudiant (Le chasseur dans la neige) présente un homme, carabine à la main, la mine basse, au bout d'un champ de neige à la Jean Paul Lemieux dans lequel se dresse un pylône.

Voir aussi comment Kristi Ropeleski (York) s'approprie l'art du nu. Les femmes qu'elle met en scène dans sa série White Noise gardent leurs sous-vêtements et leurs défauts de femmes ordinaires pour prendre des poses insolites, toujours sur fond blanc, la tête en bas, flottant dans l'espace...

L'univers de Vitaly Medvedowsky (Concordia) est mystérieux. Des hommes, les mêmes apparemment, un chauve, un barbu, un moustachu, dans différentes situations, sur fond d'édifices modernes à la soviétique. Ils discutent devant un appareil télé, s'installent dans des jeux pour enfants, petite auto, carré de sable... Sont-ils de bons ou de mauvais souvenirs?

Benoit Blondeau (Laval) est l'un des rares dans cette exposition à faire ce que l'on pourrait encore appeler de l'art abstrait. Mais il le fait sur des morceaux de tissu bien tendus et cousus ensemble qui servent à la fois de toile de fond et de motifs, sur lesquels il intervient avec des traces de peinture.

Voilà donc cinq exemples de ce que l'on peut voir chez Art mûr. C'est peu, dans la mesure où la diversité des démarches est impressionnante. On en retient l'impression qu'il y a autour de nous un bassin de jeunes artistes plus talentueux les uns que les autres et on se demande comment tout ce beau monde arrivera à percer et à trouver son public.

Peinture fraîche, Art mûr, 5826, rue Saint-Hubert. Jusqu'au 16 août. Ouvert les mardis et mercredis de 10h à 18h; les jeudis et vendredis de 12h à 20h, les samedis de 12h à 17h. Entrée libre.