Connu pour le mur éponyme qu'il a fait ériger pour retenir les «barbares» écossais, l'empereur romain Hadrien passe pour un poète pacifiste. Mais une exposition unique, qui s'ouvre jeudi au British Museum, révèle une autre facette : celle d'un commandant brutal et sans pitié.

À l'entrée de l'exposition Hadrien: Empire et Conflit, le visiteur est accueilli par le gigantesque visage de l'empereur, sculpté dans le marbre blanc.

L'oeuvre, découverte il y a moins d'un an en Turquie et exposée pour la première fois, correspond au cliché de l'empereur humaniste: ses cheveux délicatement bouclés et sa barbe soignée révèlent l'image d'un homme raffiné, passionné par tout ce qui est grec, en particulier son amant.

«Pendant des siècles, nous nous sommes toujours créé notre propre image d'Hadrien», rappelle Thorsten Opper, conservateur. Mais il y a un «visage très différent d'Hadrien et du règne de Rome», avertit-il. «Ce n'est plus la plus grande puissance civilisatrice mais l'impérialisme brutal. Il est également important de s'en souvenir».

Pour mettre au jour cette nouvelle facette, Thorsten Opper a «réuni dans une seule pièce» les «nouvelles preuves» qui permettent de «repenser l'un des plus grands empereurs romains de tous les temps».

Parmi les 170 objets, en provenance de 31 instituts de 11 pays, on trouvera de nombreuses pièces qui n'ont jamais voyagé, et en particulier celles «louées pour la première fois» par Israël et qui racontent la rébellion des Juifs de Judée.

Révoltés par la destruction de leur temple à Jérusalem et par l'interdiction de la circoncision, des milliers de Juifs se rebellent en 132. Le soulèvement est maté dans le sang: 585 000 Juifs sont massacrés, la population expulsée et la province de Judée rebaptisée Syrie-Palestine, un legs dont le monde fait encore les frais aujourd'hui, souligne M. Opper.

«Cela montre une facette très différente de la personnalité d'Hadrien: les Romains capables de violences extrêmes», reconnaît la brochure de l'exposition.

Ce côté plus sombre de sa personnalité, Hadrien «le pacifiste» l'avait révélé dès son arrivée au pouvoir, en 117. Dans un geste apparemment empreint d'humanisme, il efface la dette fiscale des Romains et va jusqu'à faire brûler les registres des impôts. Mais il s'agit en fait de s'attirer la sympathie de la population afin d'asseoir son pouvoir. Au même moment, il fait exécuter quatre sénateurs qui auraient pu lui barrer la route vers le trône.

Cela n'enlève rien à «l'immense héritage» qu'a laissé l'empereur, nuance Thorsten Opper, comme par crainte de tomber dans l'excès inverse et de faire d'Hadrien «l'homme de paix» un empereur «sanguinaire».

L'exposition consacre ainsi une large part à l'héritage architectural. «Il a construit quelque chose dans presque toutes les villes», affirmait L'Histoire Auguste, biographie de l'empire écrite vers l'an 500. Deux impressionnantes maquettes montrent par exemple le Panthéon à Rome et «la plus grande villa romaine connue» (900 pièces) qu'Hadrien avait fait construire près de Tivoli, dans la région de Rome.

L'exposition ne voyagera pas, avertit M. Opper, certains des objets présentés étant «trop fragiles». «Trois mois, c'est vraiment tout ce que nous avons», dit-il. Mais, après le 26 octobre et la clôture de l'exposition, la popularité qui entoure actuellement Hadrien ne disparaîtra pas. Le Britannique John Boorman tourne actuellement une adaptation du roman de la Française Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, avec Antonio Banderas dans le rôle-titre. Un manuscrit et des notes de l'écrivain font partie de l'exposition Hadrien.