En 1996, l'entrepreneur Robert Trudel a «livré» la Cité de l'énergie dans les budgets (26 millions) et les délais impartis. Aujourd'hui, il est toujours directeur général de l'impressionnant complexe récréotouristique de Shawinigan, où a débuté le 8 juillet la deuxième saison d'Éclyps, un spectacle multimédia dont il est aussi le producteur.

Producteur engagé «de A à Z», M. Trudel a une philosophie ne laissant aucun doute sur sa position de boss: «Je n'ai pas d'employés. J'ai des chums qui viennent s'amuser avec moi et à qui je donne une obole pour qu'ils s'achètent du gaz et un sandwich», dira-t-il d'emblée à La Presse. En ajoutant qu'il ne s'entoure que des «meilleurs», comme son frère Michel, directeur technique du complexe et du spectacle qui ne manque pas d'effets.

Du côté créatif, les premiers «bénéficiaires» de la générosité du producteur sont l'auteur shawiniganais Bryan Perro, dont les 12 tomes du roman jeunesse Amos Daragon ont fait le tour du monde, et le metteur en scène Martin Larocque, reconnu par ailleurs pour son rôle d'Hercule Belhumeur dans Virginie.

Éclyps, à l'origine, est un conte fantastique pour toute la famille dans lequel les Sélénites, les habitants de la Lune, viennent sur la Terre pour convaincre un enfant de leur existence. Dans cette trame dramatique - André Richard, notre Fanfan Dédé national, est le narrateur - sont insérés des numéros de cirque, en plus grand nombre cette année: acrobatie, main à main, cerceau aérien et tissus, roue, etc.

Le premier problème d'Éclyps, patent dès l'ouverture, est qu'on demande aux Sélénites d'être drôles et ils ne le sont pas: personne, dans cette foule de première pourtant réputée bon public, n'a ri de voir ces ploucs lunaires sur le speed s'enfarger et se frapper les uns contre les autres. Et courir partout en éructant ce gargouillis criard: les Sélénites comprennent la langue (française) de leurs maîtres, mais ne la parlent pas

Mauvais vaudeville qui empêche l'exploitation d'une situation potentiellement comique: Claire de la Lune, la fille du dictateur (qui ferait dans les 200 livres dans l'attraction terrestre) se cherche un mari dans le peuple

Malgré le stress de la première, les artistes de cirque d'Éclyps ont livré - sous une pluie battante! - une performance impeccable qu'ont appréciée les 900 spectateurs assis bien au sec dans cet amphithéâtre couvert et tournant. Effets pyrotechniques efficaces, musique correcte, environnement saisissant: tout y est. Mais que dire quand les meilleurs moments de ce voyage interplanétaire de 90 minutes se retrouvent dans un numéro de trampoline? Campé dans le Shawinigan prospère et rock'n'roll des années 50, que j'ai connu pour y avoir grandi comme la majorité des spectateurs de la première, j'aurais tant aimé

Mais entre la Lune et la Terre, entre la scène et la piste, Éclyps court trop de lièvres à la fois et ne représente, en son état actuel, qu'un work in progress en mal de direction. Trop de doigts dans la salade

«On va continuer à vous présenter des criss de bons shows», a lancé, texto, Robert Trudel au parterre de dignitaires et d'invités, mardi. Faudrait commencer par revoir Éclyps. Pour découvrir la face cachée du plaisir.

Éclyps, à la Cité de l'énergie de Shawinigan, du mardi au samedi au coucher du soleil. Infos: 1-866-900-2483 et www.spectacleeclyps.com.