La nomination d'Anne-Marie Olivier à la tête du Théâtre du Trident en décembre a suscité une vague d'électricité dans le milieu culturel de Québec. Franche, inspirée et rassembleuse, l'auteure et comédienne multiplie les engagements significatifs, les phrases coup de poing et les interprétations magistrales.

Sa carrière théâtrale a débuté dans la rue, avec ce qu'elle appelle des «matchs d'improvisation sur tourbe et asphalte», puis s'est poursuivie avec l'écriture de contes urbains et avec un premier long spectacle solo, Gros et détail, qui lui vaut le prix Paul-Hébert et le Masque du public en 2005.

Dès lors, sa signature, un mélange de ludisme, de poésie, de thèmes graves et de vérités crues, s'affirme, puis se confirme avec Annette, un second solo où elle tricote avec l'indépendance du Québec, le hockey, la misère, l'abus sexuel et un appétit de vivre lumineux.

Entre les deux et depuis, elle multiplie les engagements. Elle assure un temps la direction artistique de Premier Acte, diffuseur de pièces de la relève, et codirige le Jamais lu, un festival qui laisse la parole aux auteurs dramatiques. Elle joue dans maintes pièces marquantes, comme Vie et mort du roi Boiteux, du Théâtre des Fonds de tiroirs, ainsi que dans Les trois soeurs d'Anton Tchekhov mise en scène par Wajdi Mouawad et dans sa trilogie Le sang des promesses, où elle s'implique corps et âme, sur les scènes du Québec et d'Europe.

Elle croit que le théâtre est une tribune, «pour parler des forces, mais surtout des failles de l'humain», mais se fait un devoir de défendre ses convictions avec autant de ferveur dans la vie que sur une scène.

«Ici, au Trident, j'avais besoin de me présenter pas seulement pour avoir le poste, mais surtout parce que je trouvais ça important qu'il y ait des filles qui se présentent», indique celle qui a déjà tendu la main aux autres théâtres de Québec et qui souhaite faire entendre et travailler des femmes au sein de l'institution théâtrale qu'elle dirige. «Mais sans faire de discrimination positive non plus. Ces lignes-là sont ténues.»

Son remède au marasme et aux iniquités : dire, crier, dénoncer. Avoir conscience de ses racines, mais regarder vers le ciel. Parler à tous, faire du théâtre un acte populaire, une prise de parole juste, mais compréhensible, poignante. Humble vis-à-vis son nouveau poste, «puisque tout est à faire encore», elle dit carburer à l'admiration qu'elle éprouve pour des créatrices comme Évelyne de la Chenelière, Brigitte Haentjens, Céline Bonnier, Kim Yaroshevskay ou Pol Pelletier.»Je ne me fais pas d'illusions, peut-être qu'on ne se souviendra pas de moi. Ce n'est pas grave. Quand des gens me croisent dans la rue et me disent qu'ils aiment la façon que je joue, les textes que j'écris, c'est déjà la paie. C'est pour ça qu'on travaille, pour que le courant passe»,explique-t-elle.