Hasard du calendrier? La première des Monologues voilés a eu lieu le 6 décembre, le jour commémorant la tuerie des 14 femmes de Polytechnique. Et cette pièce expose une autre forme de discrimination et de violence faites aux femmes. Cela ajoute une couche de sens à une oeuvre d'art... comme diraient les sémiologues.

Dans la foulée du succès mondial des Monologues du vagin d'Eve Ensler, Adelheid Roosen a écrit Les Monologues voilés en 2003. Elle s'est inspirée de plusieurs témoignages de musulmanes issues de l'immigration européenne, provenant de divers milieux et générations. Sa pièce a été traduite en quatre langues et présentée dans huit pays. Elle est à l'affiche, pour encore une petite semaine, à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Ces monologues sont défendus pas quatre comédiennes belges d'origine musulmane. Telles des Shéhérazade d'aujourd'hui, les interprètes vont raconter mille et une histoires pour captiver le public, malgré la peur et la douleur. Tour à tour marocaine ou somalienne, jeune ou vieille, mère ou fille, hétérosexuelle ou lesbienne, elles partagent, malgré leurs différences, un même but: briser les tabous entourant la sexualité des femmes musulmanes.

Au-delà des préjugés, l'auteure et metteure en scène hollandaise explore des sujets graves. Des histoires de virginité et de défloration (ou à l'inverse, la reconstruction de l'hymen). Des histoires de mariage forcé ou arrangé. Des histoires de viol et d'excision, de maternité et d'homosexualité. Mais sans lourdeur. Toujours avec finesse, tendresse ou humour.

Dévoilées et libérées

Malgré son titre, la pièce évacue le sujet du voile ou du niqab. Ces filles d'Allah sont aussi dévoilées que libérées. Elles vont nous apprendre que le Coran, entre les versets, ne s'avère pas aussi sexiste qu'on le penserait. (Pas autant que l'Ancien Testament.) Elles nous font réaliser qu'un vagin peut servir de permis de séjour à des immigrants illégaux ! Elles se demandent si la honte n'est pas un sentiment plus arabe que féminin ?

La mise en scène, très chaleureuse et fluide, nous invite dans l'intimité de ces femmes. Le décor représente d'ailleurs un salon. Les actrices, toujours sur scène, sont assises ou étendues autour d'un grand divan de cuir noir, à l'écoute du monologue de l'une ou de l'autre.

Elles chantent et dansent aussi, jouent du sitar ou du tambour. Car, par delà la peinture de l'injustice et de l'inégalité entre les sexes, Les Monologues voilés nous montrent surtout la sensibilité musulmane.

À mille lieues des images dures et radicales diffusées en Occident, on voit ici des femmes qui, malgré l'humiliation au quotidien, dégagent un parfum de douceur et de sensualité. Comme des effluves s'échappant de leur histoire et de leurs traditions.

Un des monologues se conclut par un message qui s'adresse aux parents musulmans: «La pureté de votre fille est dans son coeur, pas dans son hymen.» Un sage conseil qui transcende les sexes, les cultures et les religions.

À la Cinquième Salle de la Place des Arts, jusqu'au 15 décembre.