L'éclatante réussite du nouveau «James Bond» est largement attribuable à Sam Mendes. Ce bel accomplissement tient à trois choses: un scénario solide qui creuse la psychologie des personnages; une approche classique et élégante dans la réalisation; et un respect non ostentatoire de la mythologie «bondienne».

Le réalisateur d'American Beauty entraîne en effet la franchise dans des territoires inexplorés. Dans cet épisode, le 23e sur la fiche officielle, le parcours international du plus célèbre agent secret de la planète s'arrête même dans les landes écossaises, pays des origines, histoire de bien remettre les compteurs à zéro.

Car il est évident qu'avec Skyfall, la franchise repart sur de nouvelles bases. Fidèle au cahier des charges, le 23eBond offre en prologue une scène de poursuite haletante «à l'ancienne», empreinte de réalisme malgré son caractère très spectaculaire.

Le vrai combat que mènera l'agent 007, 50 ans après être né sur grand écran, sera pourtant d'une autre nature. Sa dernière mission ayant mal tourné, le doute s'installe. Et entraîne à sa suite un conflit culturel entre les anciens et les modernes.

Le poids des années

Avec la nouvelle réalité géopolitique mondiale et les moyens technologiques qu'utilisent désormais les pirates informatiques terroristes pour s'infiltrer dans les systèmes des gouvernements, le mode de fonctionnement du MI-6 est remis en cause par les autorités. La position des gens en place devient très fragile. James, personnage imaginé par Ian Fleming en pleine guerre froide, doit même repasser des tests d'aptitude comme la plus verte des recrues. Visiblement, les années commencent à peser.

La situation se corse avec l'arrivée dans le décor du méchant de l'histoire, un dénommé Silva (Javier Bardem). Qui semble avoir des comptes personnels à régler avec des gens de l'agence, particulièrement avec la redoutable M (Judi Dench).

Le scénariste John Logan (Gladiator, Hugo), qui a travaillé au texte avec les vétérans Neal Purvis et Robert Wade, accorde une attention accrue à la part de l'intime. Inévitablement, de nombreuses zones d'ombre surgissent...

Cela dit, son nom est Bond. James Bond. Mendes a bien compris l'ampleur du mythe. Ainsi, sa mise en scène est entièrement au service de l'histoire et des personnages. Si les séquences d'action se révèlent toujours aussi dynamiques, les scènes de dialogues le sont désormais tout autant.

L'éminent cinéaste fait d'ailleurs assez confiance à son scénario pour ne pas céder à la folie du montage frénétique ni à cette manie de la caméra survoltée. Il consent même une scène de plusieurs minutes où Bond et Silva ne font que parler. Craig et Bardem en font d'ailleurs un moment d'anthologie.

Il convient en outre de souligner la qualité exceptionnelle de l'interprétation. Si la superbe Bérénice Marlohe n'a pas beaucoup l'occasion de se faire valoir dans le rôle de la Bond Girl traditionnelle, Naomie Harris tire en revanche son épingle du jeu dans celui de la partenaire de 007.

De son côté, Javier Bardem propose encore une fois une composition marquante grâce au personnage de Silva, et Daniel Craig, pourtant très contesté au moment de sa «nomination», prouve qu'il est le plus grand James Bond de l'histoire de la série.

Des discussions auront lieu à propos du rang que devrait occuper Skyfall au sommet du palmarès des films de James Bond (les époques sont difficilement comparables), mais on peut affirmer sans ambages que les artisans de ce nouvel opus auraient difficilement pu faire mieux. Vraiment, c'est excellent.

SKYFALL

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Film d'action réalisé par Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Javier Bardem, Judi Dench, Naomie Harris, Ralph Fiennes. 2h23.