Ce n'est pas encore gagné, mais la carrière en France de Monsieur Lazhar démarre sous les meilleurs auspices. Une critique qui va «de bonne à très bonne», comme on dit chez UGC, le distributeur du film, mais surtout une visibilité impressionnante dans les médias, grâce en partie au comédien Fellag, qui a la cote d'amour dans les milieux intellectuels. Une fois n'est pas coutume, l'accueil du public est à peu près au diapason des critiques: la fatidique séance de 14 h dans Paris a donné d'excellents résultats.

Avec 51 spectateurs par copie, Lazhar réalise le troisième score de la semaine - juste derrière deux grosses machines, The Secret et Le Guetteur, qui font 68 et 59 entrées - et égale la performance de La grande séduction qui, en 2004, avait atteint le demi-million de spectateurs. Désormais, tout dépend du bouche à oreille, mais il s'agit d'un départ plus que prometteur. Chez UGC, on misait en début de semaine sur une carrière «lente», comme c'est le cas pour ce genre de film, ni français ni américain et dépourvu de vedette commerciale. Encore fallait-il une solide base de départ: les chiffres de la première séance dépassent les espérances du distributeur.

Lundi soir, au complexe de cinéma de Bercy, à l'est de Paris, Falardeau et nombre de ses partenaires français s'étaient déplacés pour une avant-première publique, à l'image des 18 séances organisées en France depuis un mois. Une salle de 400 places archicomble (une moitié d'invités), des applaudissements enthousiastes au générique de fin. Échange avec le réalisateur qui a ravi la salle: «Si chacun d'entre vous en parle à cinq personnes, et que celles-ci font de même, on aura 25 millions de spectateurs en sept semaines», a plaisanté Falardeau, qui excelle dans ce genre d'exercice.

De 100 à 141 copies

À deux jours de la sortie, les clignotants étaient décidément au vert. On avait parié au départ sur une combinaison de 100 copies. Devant la réaction du public et des exploitants, on est passé à 141 copies, un chiffre considérable. En même temps, on avait déjà une idée de la tonalité de la critique: elle s'annonçait excellente dans La Croix, Le Figaro, Le Parisien, plus mitigée dans Le Monde, Télérama, Paris Match. Mais la couverture à la radio et à la télé était considérable.

«En tout cas, nous disait Falardeau, vous pourrez écrire que mon distributeur a fait tout ce qui était imaginable pour pousser le film: 700 affiches dans Paris, des dizaines de rencontres avec le public, avec des enseignants...» Le réalisateur avait de quoi être encore plus optimiste que d'habitude. Après un box-office exceptionnel aux États-Unis, il revenait d'une tournée en Espagne, où le film est sorti dans 60 salles. Le démarrage s'annonçait également excellent en Italie après un premier week-end. «Mais bien sûr, a-t-il ajouté, le marché français a une importance tout à fait particulière pour les cinéastes québécois.»

Deux jours plus tard, les résultats sont là.

Côté «presse sérieuse», La Croix parle d'«un film tout en délicatesse et en finesse psychologique» où Fellag est «magnifique dans la pudeur et la retenue». Pour Le Figaro, c'est «une petite merveille riche en émotion et en profondeur». Télérama et Les Inrockuptibles expriment quelques réserves sur le côté «bons sentiments» du film, mais donnent par ailleurs la parole à Fellag sur deux et trois pages. Le Monde décerne une seule étoile mais reste sympathique: «Une belle fable humaniste, hélas affaiblie par son hyper-lisibilité.» L'Express et le Nouvel Observateur ont également des positions mitigées.

Dans la presse grand public, l'enthousiasme est quasi unanime: trois quarts de page dans le Journal du dimanche et trois étoiles. Une page (sur Fellag) et trois étoiles dans le Parisien. De plus, 20 minutes et Métro, les deux gratuits, parlent d'un «film pudique à la portée universelle» et d'«une jolie fable humaniste, tendre et poétique».

«Je crois qu'il y a actuellement une vague du cinéma québécois», a soutenu Philippe Falardeau lundi soir. Le lendemain, on apprenait que Starbuck, «phénomène de l'été», venait de dépasser en France la barre impressionnante des 400 000 spectateurs. Et si Monsieur Lazhar était la prochaine surprise?