Où qu'il soit aujourd'hui, le regretté père Fernand Lindsay a certainement applaudi, comme les milliers de personnes rassemblées samedi à l'Amphithéâtre qui porte son nom - 3 000 présences en après-midi, 5 000 en soirée -, ce marathon Beethoven totalisant quatre heures de musique et rejoignant cette recherche d'inhabituel qui l'anima en fondant le Festival de Lanaudière.

Scindé en deux parties, le très long programme se voulait identique à celui que Beethoven organisa à son bénéfice le 22 décembre 1808 et qu'il dirigea tout en étant soliste au piano. Ce programme, Yannick Nézet-Séguin et l'Orchestre Métropolitain le reprenaient deux siècles plus tard, dans un ordre différent. Les deux concerts trouvèrent le jeune chef et son fidèle orchestre dans une forme exceptionnelle.

Jouées avec toutes les reprises, deux symphonies célèbres dominaient le programme: la Cinquième en fin d'après-midi et la Pastorale en début de soirée. Avec cette énergie qui semble tout simplement inépuisable, Nézet-Séguin dirigea une Cinquième nerveuse où tout, jusqu'aux timbales, vibrait d'une nouvelle vie. Pour la Pastorale, j'aurais souhaité plus de douceur dans la Scène au ruisseau. Par contre, la Joyeuse réunion de paysans n'a jamais paru aussi débridée [cors bien cuivrés, exquis hautbois dans le Trio central] et l'Orage fut absolument foudroyant.

Jan Lisiecki, le blond pianiste de Calgary, jouait le quatrième Concerto dans l'après-midi. Il n'a pas 16 ans [comme le donne le programme], mais 17, étant né le 23 mars 1995. Contre toute attente, il apporta au plus abstrait des concertos de Beethoven la maturité d'un interprète de longue expérience. Quelques fausses notes ne diminuent en rien son mérite. Il avait choisi les cadences de Beethoven. Autour de lui, Nézet-Séguin fit bien chanter l'orchestre.

Un autre pianiste, Stewart Goodyear, 34 ans, de Toronto, qui donnera deux programmes de sonates de Beethoven ce soir et demain soir dans les églises de Lanaudière, était le soliste samedi soir. Il étonna par sa calme présence et la force de sa concentration et de son jeu, et d'autant plus qu'il joua d'abord une pièce pour piano seul, la Fantaisie op. 77, ensuite la Fantaisie chorale qui s'ouvre sur quatre pages de piano seul. Ovationné, il ajouta en rappel le mouvement lent de la Sonate pathétique.

Marianne Fiset ouvrit le concert d'après-midi avec un impressionnant Ah, perfido!, à la fois intense et nuancé. Elle revint en soirée dans trois extraits de la Messe en do majeur, op. 86, avec Mireille Lebel, Isaiah Bell et Alexandre Sylvestre. Un même style retenu et expressif unissait les quatre belles voix ainsi que l'excellent Choeur de l'OM.

Gershwin vendredi

Transformée pour un soir en un orchestre symphonique de 60 musiciens, la Sinfonia de Lanaudière a présenté vendredi un concert Gershwin d'une étonnante qualité. La masse orchestrale était somptueuse et les nombreuses interventions des premiers-pupitres mériteraient toutes une mention. Bref, on aurait dit un orchestre autonome, alors qu'il s'agissait d'un pick-up recruté pour l'occasion. Stéphane Laforest a confirmé là une fois de plus ses talents de chef et de musicien. D'animateur aussi, car il a parlé de Gershwin avec une réelle autorité.

Le jeune pianiste Charles Richard-Hamelin traversa avec l'éclat d'un professionnel la Rhapsody in Blue, donnée dans sa version orchestrale et intégrale. La chanteuse Kathleen Fortin possède une attachante personnalité et une voix généreuse, mais elle a tendance à détonner.

ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin. Samedi après-midi et samedi soir.

SINFONIA DE LANAUDIÈRE. Chef d'orchestre: Stéphane Laforest. Vendredi soir Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 35e Festival de Lanaudière.