De Lee Harvey Oswald à Dracula en passant par la taupe discrète de Tinker Tailor Soldier Spy et le très corrompu Zorg de The Fifth Element, Gary Oldman a incarné nombre de vilains au cours de sa longue carrière. Mais dans la trilogie que Christopher Nolan a consacrée à Batman, il se trouve du bon côté de la loi en interprétant Jim Gordon, allié du chevalier noir dans les rangs de la police de Gotham City. Discussion avec un acteur caméléon.

«C'est une conclusion épique», souffle Gary Oldman. L'acteur britannique a beau faire partie de l'aventure depuis le début, en entrevue téléphonique, il semble encore sous le choc de The Dark Knight Rises. Il s'est perdu dans le film de Christopher Nolan comme un spectateur «ordinaire», a savouré les multiples rebondissements du dernier acte, s'est tenu sur le bout de son siège pendant les scènes d'action - dont celle d'ouverture, tournée en IMAX et qui marquera d'une pierre blanche l'histoire cinématographique des scènes aériennes - et a contemplé la beauté dramatique d'une... «conclusion épique», répète-t-il.

Épique et qui boucle nombre de pistes amorcées dans les films précédents. «J'ignore si Chris [Nolan] savait dès le début où irait la trilogie. En fait, je pense qu'il n'était même pas sûr qu'il y aurait plus d'un film. Ce que je sais, par contre, c'est que pour ce scénario-ci, il a commencé par la fin - et est revenu vers le début. Il a serré des noeuds, est allé plus profondément dans l'arrière-plan des personnages, et réalise ainsi un cercle parfait, noué par un noeud parfait», poursuit l'acteur, qui loue ainsi le travail d'écriture du réalisateur, qui a travaillé au scénario et à l'histoire avec son frère, Jonathan Nolan, et David S. Goyer.

Ce dernier volet de la trilogie amorcée en 2005 avec Batman Begins et mettant en vedette l'intense Christian Bale dans le rôle-titre reprend huit ans après les événements survenus dans The Dark Knight. Après avoir mis la main au collet du Joker (inoubliable Heath Ledger), le chevalier noir s'est affiché responsable de la mort du procureur général Harvey Dent (Aaron Eckhart) et de la procureure Rachel Dawes (Maggie Gyllenhaal), et a disparu. Quant au milliardaire Bruce Wayne, il vit désormais en reclus et tient plus d'un ersatz de Howard Hughes que du play-boy.

Au courant de ce qui s'est vraiment passé, le commissaire Jim Gordon a adopté cette version des faits. Et menti à la population de Gotham City. «Quand on le rencontre dans le premier film, Gordon a un sens moral très fort, il croit au système. Il est sûr que la justice et le bien vont toujours avoir raison de l'injustice et du mal. Il est persuadé qu'il peut faire son travail de policier honnêtement, même au sein d'une société corrompue. Il a espoir», résume Gary Oldman. Mais cet espoir et cet idéal de justice s'effondrent après que le Joker eut causé la mort tragique de deux de ses précieux alliés. «Mentir est contraire à sa nature. Tellement qu'il est devenu cynique et désabusé.» Même si, au cours des huit dernières années, les rues de Gotham sont devenues plus sûres.

Nouveau méchant

Jusqu'à ce que l'arrivée d'un certain Bane (Tom Hardy) change la donne. «Chris [Nolan] a fait un choix très judicieux en optant pour un méchant moins connu et, surtout, qui représente une menace physique pour Batman - alors que Scarecrow, qui est un psychopathe, et le Joker, qui est un anarchiste, étaient davantage des adversaires sur le plan psychologique. De cette façon, on n'essaie pas de surpasser la performance de Heath [Ledger], qui est, de toute manière, insurpassable, et on va ailleurs.»

Bane est un terroriste. Dans ses actions comme dans sa mentalité. Sa force est brute. Ses actions, brutales. Son physique musculeux annonce la chose. Le masque qu'il porte, plus encore. Il l'animalise. Il faut dire que l'homme souffre constamment et que, pour survivre à la douleur intense et continuelle, il doit s'injecter en permanence un gaz anesthésiant. Le masque est l'un des éléments de son costume subvenant à ce besoin vital.

Autres personnages

Plusieurs autres nouveaux personnages peuplent d'ailleurs ce Dark Knight Rises où Bruce Wayne/Batman est toujours soutenu par le fidèle Alfred (Michael Caine) et par l'ingénieux Lucius Fox (Morgan Freeman): Selina Kyle/Catwoman, qu'incarne la toujours féline Anne Hathaway; la riche philanthrope Miranda Tate, qu'interprète Marion Cotillard avec toute la classe nécessaire; et un jeune policier que l'on devine promis à un destin bien plus grand que sa modeste stature, John Blake, à qui Joseph Gordon-Levitt insuffle un délicat mélange d'innocence et de force. «Quand Jim Gordon rencontre John, c'est un peu comme s'il se voyait dans un miroir, tel qu'il était avant. En fait, ces deux hommes sont les deux faces d'une même médaille», explique Gary Oldman qui se dit aussi heureux que surpris par cette aventure en trois temps dans l'univers de Batman revu par Christopher Nolan. «Je n'aurais jamais cru être là pour trois films», pouffe-t-il au bout du fil.

En fait, au départ, il ne pensait même pas être du premier. «La première fois qu'on m'a joint pour ce projet, c'était pour incarner un méchant. Et je ne souhaitais pas jouer un autre vilain.» Il a quand même rencontré Christopher Nolan dans un café de Hollywood, ils ont parlé pendant une heure du chevalier noir, de la réinterprétation plus sombre - à l'image des comic books originaux - que le réalisateur désirait en faire. Il n'a pas été question de Jim Gordon dans leur conversation. «Je ne me souviens même plus de qui a eu l'idée de me confier ce rôle», admet l'acteur. Mais c'était la bonne.

The Dark Knight Rises (L'ascension du chevalier noir) prend l'affiche le 20 juillet.