Il y a ce fort joli mot, malheureusement passé de mode, garçonne, beaucoup plus délicat que l'expression péjorative garçon manqué pour évoquer les filles plus ou moins ambivalentes qui ont des caractéristiques physiques et psychologiques habituellement prêtées aux mâles.

La jeune cinéaste française Céline Sciamma, qui nous a accordé un peu de son temps par téléphone, aura préféré le terme anglais Tomboy, titre de son second long métrage, lequel présente un personnage de fillette, Laura, qui a tout (sauf le zizi) d'un petit gars.

«Il y a quelque chose d'optimiste et de positif dans ce mot, tomboy», dit la cinéaste.

Optimiste, comme le film, qui n'a rien d'un règlement de comptes, rien d'un document didactique de «sensibilisation sociale», bien que la cinéaste, ouverte aux interprétations, accepte sans problème tous les sceaux qu'on accolera à son oeuvre.

Sciamma explique: «Pour ce film, je ne rejette aucune étiquette. On peut le prendre pour un film familial, un film d'auteur, une fiction qui interroge et qui divertit, qui invite évidemment à l'ouverture et à la tolérance. C'est surtout un hommage à l'enfance, à cette période trouble où on joue à être.»

Un film d'action, au sens littéral. C'est-à-dire que tout s'y passe dans les faits et les situations, que le propos n'est pas imposé de force, que le «message» passe par les évènements proposés.

«C'est une succession de scènes de vie, dit-elle. Tomboy est un peu construit comme un film de mafia.» Un suspense psychologique où la protagoniste, cette jeune garçonne donc, tâche d'intégrer un nouveau groupe, un nouveau clan, celui des gars, et se voit forcée à la supercherie et au mensonge, allant jusqu'à ajouter dans sa culotte un bout de pâte à modeler pour faire croire à un pénis. Bien sûr, quand on sombre dans la menterie, on risque de s'y perdre. Aussi Laura connaîtra-t-elle les affres de l'angoisse. «L'angoisse, c'est le plaisir!»

Il y a une part d'euphorie, à 12 ou 15 ans, dans le malheur. On prend ce jeu à coeur, avec intensité. Céline Sciamma, dans son premier long métrage, Naissance des pieuvres (2007), s'était déjà intéressée de près à l'adolescence ou, comme elle dit, à «l'âge frontière», dont on ne parle jamais qu'en terme de «problématique», comme s'il s'agissait d'une maladie honteuse.

La cinéaste, qui ne croit pas avoir fait le tour du sujet, considère cependant qu'elle doit passer à autre chose, les tournages avec de jeunes acteurs n'étant pas de tout repos.

«Il y a une certaine tradition du cinéma français qui met en scène des enfants, note-t-elle. Vigo, Doillon, Truffaut. Avec les enfants, c'est beaucoup de travail, on ne peut pas avoir de stratégie. Il faut toujours rester sur le mode du jeu. On vit des moments très forts, on construit ensemble les personnages. Il s'agit alors d'attraper les moments. Quelques scènes de groupes sont improvisées. C'est très intense et enrichissant.»

La jeune Zoé Héran, recrutée très tôt pour ce tournage assez expéditif, hérite du rôle-titre de cette tomboy, rôle complexe et, d'une certaine manière, éventuellement lourd à porter, vu son âge et vu les risques de moquerie.

«Mais Zoé comprenait déjà son personnage, qui n'est pas facile mais qui est, je le répète, un personnage positif.»

Libre au spectateur d'y voir un film qui encourage le coming out, Tomboy, précédé d'une excellente réputation, a d'ailleurs remporté, entre autres distinctions, un prix spécial à Berlin l'an dernier pour «la représentation de l'homosexualité au cinéma.» Mais ce film est d'abord et avant tout une exploration, sous forme de drame comique, de la psyché adolescente.

Tomboy est à l'affiche