Avec Les adieux à la reine, Benoît Jacquot a voulu proposer un film de facture moderne, dont l'approche relève davantage du reportage que du drame historique.

Il y eut d'abord ce bouquin, signé Chantal Thomas, publié il y a 10 ans. Dans cet ouvrage, l'auteure relatait les quatre derniers jours de l'Ancien Régime, à travers le regard d'un personnage fictif, une jeune lectrice faisant partie de la garde rapprochée de la reine Marie-Antoinette. À cet égard, Les adieux à la reine s'éloigne des films d'époque classique, en ce qu'il tient à retranscrire l'essence d'une époque troublée, laquelle marque la fin d'un monde et le début d'un autre.

« J'avais lu le livre à l'époque et j'ai immédiatement eu le sentiment d'un film que j'aimerais à la fois faire et voir, explique le réalisateur Benoit Jacquot. J'aimais ce parti pris de suivre les événements à travers le regard de quelqu'un qui est au centre de l'action, sans en être toutefois partie prenante. Plutôt que de reconstituer les événements, le film tente de donner le sentiment que les événements se constituent sous les yeux de la personne qu'on suit, cette jeune femme en l'occurrence. De cette façon, on peut conjuguer le passé au présent, comme s'il s'agissait d'un reportage d'actualité. On ne sait jamais ce qui peut survenir dans la minute suivante. «

Des résonances actuelles

L'auteur cinéaste, qui a écrit le scénario en collaboration avec Gilles Taurand, estime en outre que l'époque dépeinte dans son film partage bien des points communs avec la société contemporaine. Les adieux à la reine fait en effet écho à des événements aussi bouleversants que le furent, par exemple, les attentats du 11 septembre 2001. Lesquels ont profondément transformé la société.

« En 1789, nous avons définitivement quitté l'Ancien Régime pour entrer dans l'ère de la France moderne, fait remarquer Benoit Jacquot. Pour les gens de la cour de Versailles, l'équilibre du monde était violemment secoué. Depuis 2001, on a aussi le sentiment que cet équilibre ne tient plus. Les gens n'ont plus confiance du tout en leurs dirigeants. Et ils descendent dans la rue pour l'exprimer. «

Il aura fallu une dizaine d'années avant que l'adaptation cinématographique du roman de Chantal Thomas se concrétise. Les adieux à la reine fait partie de ce genre de productions qui, dans le contexte actuel, devienne plus difficiles à monter.

« Il s'agit d'un genre de film assez cher, qui requiert de grands moyens, explique le cinéaste. Jamais je ne pensais trouver un producteur qui accepterait de s'embarquer dans un tel projet. J'ai d'ailleurs dû le mettre de côté. Puis un jour, comme par magie, j'ai reçu un appel d'un producteur que je ne connaissais pas du tout, Jean-Pierre Guérin, qui me propose de faire l'adaptation de ce même bouquin, dont il détient désormais les droits. Ce fut un beau concours de circonstances! «

L'équipe des Adieux à la reine a eu l'autorisation de tourner à l'intérieur même du château de Versailles. Ce privilège est rarement consenti par les autorités en place.

« Il s'agit probablement du monument le plus visité du monde et les responsables sont très soucieux de l'image du château, souligne Benoit Jacquot. Le tarif n'est pas donné non plus. Donc, pour tourner à Versailles, il faut vraiment que l'endroit devienne essentiel sur le plan dramatique, qu'il devienne un personnage. Un personnage fragile et cher! Il y a quelque chose d'envoûtant dans le fait de tourner sur les lieux mêmes où l'histoire s'est déroulée. Nous avions un peu l'impression d'être des fantômes! «

Un film de femmes

Les adieux à la reine est essentiellement un film de femmes. Léa Seydoux incarne la jeune lectrice et Virginie Ledoyen prête ses traits à Gabrielle de Polignac, une amie très intime de la reine. En choisissant Léa Seydoux, qui porte pratiquement tout le film sur ses épaules, Benoit Jacquot estime avoir pu exploiter le potentiel d'une jeune actrice appelée à connaître une grande carrière.

« Jusqu'ici, je voyais chez Léa une promesse d'actrice, dit-il. Cela m'intéressait de faire d'elle plus qu'une promesse en lui donnant un rôle important dans lequel elle a l'occasion de montrer une facette différente de son talent. Pour un cinéaste, accomplir un talent est très stimulant. «

Quant à Marie-Antoinette, à qui Eva Green devait prêter ses traits au départ, le rôle est campé par Diane Kruger.

» Ton film est foutu! «

« Eva est allée tourner Dark Shadows avec Tim Burton et je ne pouvais pas repousser mon tournage pour l'accommoder, fait remarquer le cinéaste. J'ai rencontré plusieurs actrices anglo-saxonnes, car je tenais à ce que l'interprète de Marie-Antoinette soit d'origine étrangère. J'avais déjà pensé à Diane Kruger. Quand elle l'a su, elle a sauté dans le premier avion en partance de Los Angeles, m'a donné rendez-vous dans un bar à Paris. Très convaincue, elle m'a dit que sa propre mère se prénomme Marie-Thérèse, comme la mère de Marie-Antoinette d'Autriche; qu'elle est née un 14 juillet, jour de la prise de la Bastille; que sa langue maternelle est l'allemand; et qu'elle a exactement l'âge qu'avait la reine au moment de la Révolution. «

« Donc, si tu ne me prends pas, ton film est foutu!''

«, m'a-t-elle dit. Je l'ai regardée 10 secondes et j'ai dit d'accord, c'est toi! Une telle détermination est irrésistible pour moi. Et je savais, pour l'avoir vue dans d'autres films, chez Tarantino notamment, que Diane est une actrice remarquable. «

Les adieux à la reine prend l'affiche le 15 juin.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.