Marjane Satrapi l'affirme sans ambages: on tire toujours quelque chose de sa propre vie quand on écrit. Pour les albums dessinés Persepolis, qu'elle a regroupés pour en faire un film d'animation, elle a puisé dans son histoire personnelle. Son enfance en Iran, sa famille, la montée du fondamentalisme, l'exil. Poulet aux prunes procède d'une autre démarche.

Elle y raconte cette fois l'histoire d'un des plus célèbres musiciens de son époque, Nasser Ali Khan (Mathieu Amalric). À Téhéran, en 1958, ce dernier se laisse dériver dans une profonde tristesse au point de ne plus avoir le goût de vivre lorsqu'il ne peut trouver un instrument digne de remplacer son violon brisé.

« Cette histoire est celle d'un vieil oncle que je n'ai jamais connu, mort dans des circonstances mystérieuses, expliquait Marjane Satrapi lors d'une rencontre de presse tenue à Paris plus tôt cette année. Le frère de ma mère m'a raconté que cet homme était l'un des meilleurs joueurs de tar de son époque. J'ai d'ailleurs pu voir une photo de lui. À partir de là, mon imagination s'est mise en marche. Cela dit, même si j'ai puisé des trucs ici et là, Poulet aux prunes n'a rien à voir avec mon histoire personnelle, en tout cas pas de la même façon que Persepolis! «

C'est justement à cause du fait qu'elle est plus « détachée « de cette histoire que le choix de faire appel à des acteurs « en chair et en os « s'est imposé très vite.

« Chaque projet impose sa forme, dit-elle. Persepolis ne pouvait être autre chose qu'un film d'animation. D'une part, je proviens du monde de la bande dessinée. Ensuite, l'animation permettait à mon histoire d'avoir une résonance plus grande, plus universelle. Si Persepolis avait été fabriqué comme un film normal, c'est-à-dire tourné avec des acteurs dans un vrai décor, il est certain qu'il n'aurait pas eu le même impact. Le film n'aurait probablement été vu que par une poignée de spectateurs en Occident. Poulet aux prunes repose en revanche sur une histoire d'amour impossible. Par définition, c'est universel. Je voulais un univers fantaisiste, de conte de fées, inspiré des films qui m'ont fait rêver: du Magicien d'Oz jusqu'aux films de Fellini, en passant par ceux d'Hitchcock. «

De grands acteurs

Poulet aux prunes réunit une distribution impressionnante. Outre Mathieu Amalric, le film met en vedette Édouard Baer, Maria de Medeiros, Golshifteh Faharani, Éric Caravaca et Chiara Mastroianni. On y compte aussi des participations de Jamel Debbouze et d'Isabella Rossellini. Marjane Satrapi a apprécié l'expérience.

« C'était la première fois que j'avais l'occasion de diriger des acteurs dans un tel contexte, souligne-t-elle. Quand de grands acteurs sont à votre disposition, tout devient alors très facile. J'ai déjà une idée claire dans la tête de ce que je souhaite voir. Quand j'arrive sur un plateau, je peux donner des indications précises, car j'ai répété les rôles de tous les personnages devant le miroir pendant des semaines auparavant! J'aime transcender les choses grâce au cinéma. «(La Presse)

Lancé au Festival de Venise l'an dernier, Poulet aux prunes prend l'affiche ici le 8 juin.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.