Devant la caméra de Maïwenn dans Polisse, Marina Foïs se glisse dans la peau d'une policière de la brigade de protection des mineurs de Paris. Et s'est oubliée en tant qu'actrice.

Révélée au cinéma il y a 10 ans grâce à Filles perdues, cheveux gras, un film très particulier de Claude Duty, Marina Foïs est aujourd'hui l'une des actrices françaises les mieux cotées, tant du côté des films dramatiques que des comédies. Dans Polisse, qui a pris enfin l'affiche au Québec hier, celle qui s'est d'abord fait valoir dans le domaine de l'humour avec le groupe Robin des Bois incarne une policière au sein de la Brigade de protection des mineurs de Paris. Marina Foïs était déjà du Bal des actrices, le film précédent de Maïwenn. Elle a aussi tourné une scène pour Pardonnez-moi, le tout premier long métrage de la réalisatrice.

«Nous ne nous connaissions pas du tout à l'époque, rappelle l'actrice. Maïwenn m'a téléphoné et je suis allée tourner une scène en pleine nuit. Elle m'a rappelée deux mois plus tard pour m'aviser que la scène en question ne serait finalement pas retenue dans le film parce qu'elle ne cadrait plus dans sa vision. J'ai dit O.K.. Je suis allée voir Pardonnez-moi en salle et j'en ai eu le souffle coupé. Cette fille-là est une vraie cinéaste!»

Un film choral

Dans Le bal des actrices, Maïwenn a travaillé individuellement pendant trois ou quatre jours avec chacune des comédiennes qu'elle a embauchées. Tout le contraire de la dynamique installée pour Polisse.

«La première fois qu'elle m'a parlé de Polisse, Maïwenn m'adit qu'elle souhaitait alors la présence de tous les acteurs en permanence, même dans les scènes où leur personnage ne serait pas mis de l'avant, précise Marina Foïs. Je trouvais cette idée très riche. Son scénario ne devient alors qu'un outil de travail. Maïwenn peut laisser tourner la caméra pendant 20 minutes si ça lui chante. Les acteurs sont obligés de lâcher prise. Il n'y a rien de mesuré ni de mesurable chez elle. Il fautqu'il se passe quelque chose. Moi, ça me plaît beaucoup.» Un film «choral» en quelque sorte. Pas moins de six acteurs de Polisse ont d'ailleurs été cités hier à la cérémonie des Césars. Outre Marina Foïs, Karin Viard, Joey Starr, Nicolas Duvauchelle. Karole Richer, et Frédéric Pierrot étaient en nomination.

«Maïwenn a ce talent d'aller capter en nous des choses qu'on ne soupçonne même pas, analyse Marina Foïs. Elle fait de nous d'autres personnes, tout en utilisant notre nature. Elle nous force à abandonner l'image qu'on peut se faire de soi-même en tant qu'acteur. Elle arrache les étiquettes, en fait.»

Peinture d'un milieu

Polisse dépeint la vie quotidienne de policiers faisant face à des histoires d'autant plus horribles qu'elles impliquent toujours des enfants. Les acteurs ne se sont pas soumis à une recherche aussi exhaustive que celle qu'a faite la cinéaste, mais ils ont néanmoins eu l'occasion de se familiariser avec le milieu dépeint dans le film. «Deux anciens flics de la brigade sont venus nous voir, explique l'actrice. Nous avons eu l'occasion de les côtoyer pendant une bonne semaine.

Nous avons aussi visionné plein de documents. C'était surtout utile pour comprendre comment se passe une audition avec un enfant. Et aussi avec un agresseur.» Si elle revendique la nature diver tissante du cinéma, Marina Foïs reste très sensible à la fonction sociale du septième art.

«Soyons clairs : un film ne soigne jamais personne de rien. Ni ceux qui le font ni ceux qui le voient. En revanche, il peut quand même aider à jeter un éclairage sur une situation. Au Festival de Cannes, certains ont dit que Polisse était un film sur l'impuissance. Je souscris à cette analyse. Les flics qui travaillent à la brigade ne sont pas des cow-boys comme on en voit dans les polars au cinéma. Au contraire, ils ne résolvent jamais rien. Ils ne sont que des dépositaires des pires histoires qui arrivent dans la société. Ils écoutent les monstres, ils entendent aussi les victimes de ces monstres, et une fois que les histoires des uns et des autres sont déposées, ils ne peuvent rien faire d'autre que de transmettre les dossiers à la justice. C'est alors terminé pour eux. Ils n'ont jamais accès à la finalité de l'histoire, ni à sa moralité. Cela doit être excessivement éprouvant. Et frustrant.»

Un programme plus léger

Après quelques rôles dramatiques, L'homme qui voulait vivre sa vie, notamment, Marina Foïs enchaînera des oeuvres plus légères au cours des prochains mois, parmi lesquelles l'adaptation de la bande dessinée Boule et Bill, de même que 100% Cachemire, une comédie réalisée par Valérie Lemercier.

Polisse a pris l'affiche le 2 mars. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance. Voyez l'entrevue de Maïwenn réalisée par Marie-Christine Blais sur lapresse.ca