Après avoir goûté aux pluies torrentielles de la Hongrie, les troupes gauloises ayant traversé en Irlande ont eu à affronter des escadrons de moustiques et une armée de guêpes. Le combat fût épique. Mais le général Laurent Tirard n'a pas flanché. Et le tournage d'Au service de Sa Majesté, s'il n'a pas manqué de piquant, n'a pas dévié de sa trajectoire - ni de son calendrier.

La verte Irlande s'est imposée à la production d'Astérix&Obélix au service de Sa Majesté pour plusieurs raisons. Il y a le programme de crédit d'impôts, avantageux pour les projets cinématographiques, admet le producteur Marc Missonnier - qui n'est toutefois pas guidé que par les raisons financières: «Le récit se déroule en Angleterre, nous avions besoin de paysages qui rappellent ceux de la «Bretagne» d'alors et, aussi, qui soient crédibles en tant qu'extérieurs de ce que nous avons tourné, en studio, en Hongrie. De plus, nous avons ici belle variété de décors sur de petites distances.»

Variété, en effet. En paysages et en température. En cette mi-août où La Presse a passé deux jours sur ces plateaux extérieurs, il a fait un froid de canard dans les collines de Luggala, au sud de Dublin - ce qui n'a pas empêché des hordes de moustiques de s'attaquer à tout ce qui ne portait pas un filet sur la tête... ou des tresses gauloises, ou encore un casque romain. Le lendemain, dans les jardins Listoke de Drogheda, au nord de la capitale, le soleil plombait sur les arbres fruitiers - au plus grand bonheur de millions de guêpes qui, agglutinées dans les branches ou sur le sol, se gorgeaient du sucre des prunes, poires et pommes.

C'est là, dans ce verger magnifique, que la directrice artistique Françoise Dupertuis, a «planté» le jardin d'Ophélia. Fauteuils faits de branches entrelacées, coussins rose pétale, et partout, des fleurs. Ce matin-là, en attendant qu'Obélix vienne chanter la pomme à Miss MacIntosh (Valérie Lemercier), la jeune Ophélia (Charlotte LeBon) tentait de s'intéresser aux propos de son fiancé, Jolitorax (Guillaume Galienne), en extase après avoir vu un couple d'hirondelles se faire la cour dans le tilleul. Et si son personnage tombait d'ennui, la comédienne québécoise, jusqu'à récemment Miss Météo au Grand Journal de Canal ", elle, avait peine à réfréner ses rires.

«Câline!» a-t-elle même lâché entre deux prises... avant de, finalement, y aller de son texte: des phrases où les mots s'enlignent comme dans une traduction littérale de la langue de Shakespeare, prononcées dans un français teinté d'un fort accent anglais. Ainsi s'expriment les Bretons d'Au service de Sa Majesté. «À l'audition, Laurent Tirard a testé si je pouvais faire l'accent. Mais le vrai défi, a-t-on découvert, ce n'est pas de pouvoir le faire mais de le garder. Au bout du compte, ça se fait bien», a-t-elle indiqué à La Presse juste avant de commencer la scène, rose de joues, de robe et de bottes de caoutchouc protégeant de la rosée (en attendant les mules idoines).

La veille, le «blanc-je-gèle» était la couleur dans le vent (c'est le cas de le dire: les rafales étaient violentes). Poursuivis par des romains tirant une catapulte, Astérix, Obélix (en fait, la doublure de Gérard Depardieu, ce dernier ayant des problèmes de genoux l'empêchant de gambader) et Jolitorax couraient dans les collines. Interrompant leur course au son des «Coupez!» de Laurent Tirard, et enfilant illico leur doudoune. C'est donc sous la tente-cafétéria qu'Édouard Baer a, comme il l'avait fait en Hongrie, pris le temps de répondre aux questions de La Presse au sujet de «son» Astérix.

«Je ne pense pas que je joue Astérix. C'est trop gros. Et de toutes manières, je ne joue pas le dessin mais le texte, l'esprit et non la lettre», fait celui pour qui l'humour de ce deuxième Astérix auquel il participe (on se souviendra qu'il était Otis dans Mission Cléopâtre) vient de la situation, pas du jeu. «Je place les personnages dans des situations abracadabrantes mais je leur demande de jouer avec sérieux», explique Laurent Tirard. Et Édouard Baer a endossé avec bonheur cet Astérix-là: «Celui de Christian Clavier était nerveux et teigneux. Celui de Clovis Cornillac, «bédéesque». Le mien est réaliste.» Piquant aussi. Comme les insectes irlandais «invités» au tournage.

Les frais de voyage ont été payés par Les Films Séville.