Après quelques jours à Malte, l'équipe d'Astérix&Obélix: au service de Sa Majesté s'est installée en Hongrie pour y planter ses gigantesques décors intérieurs et extérieurs. Si tout s'est déroulé sur des roulettes pendant le tournage en studio, les extérieurs ont, eux, subi les caprices des dieux de la météo. La Presse était là au moment où le ciel est tombé sur la tête d'une bande de Gaulois transis.

D'abord, on se dit que c'est une plaisanterie. Puis le panneau de circulation le confirme. Le jeu de mots facile est en fait une extraordinaire coïncidence: situé à une centaine de kilomètres de Budapest, le village où la production d'Astérix&Obélix: au service de Sa Majesté, adaptation des albums Astérix chez les Bretons et Astérix et les Normands, a «trouvé» l'endroit idéal pour construire le stade de rugby de Londinium, s'appelle Komarom. Qui se prononce «Comme-à-Rome».

«En fait, l'enceinte existait déjà, c'est une ancienne forteresse», explique le producteur Marc Missionnier, de Fidélité Films. «Nous n'avons eu qu'à installer des gradins et à donner à l'ensemble un air de ce qui aurait pu exister à l'époque des Gaulois, mais revu et corrigé en fonction de ce qu'on connaît aujourd'hui.» Des panneaux publicitaires, par exemple, qui affichent les commanditaires du match: Dietix pour le régime, Milx pour les produits laitiers, Rainax pour les parapluies, etc.

Le résultat est volontairement anachronique. C'est une des couleurs de cette quatrième adaptation cinématographique des aventures du petit Gaulois... qui, ici, change à nouveau de tête: après avoir affiché celle de Christian Clavier dans les deux premiers films et celle de Clovis Cornillac dans le troisième, il prend celle d'Édouard Baer dans la mouture 3D signée, à l'écriture et à la réalisation, Laurent Tirard.

L'ancien journaliste de Studio Magazine avait fait la preuve, dans l'adaptation du Petit Nicolas, de sa parenté d'esprit avec René Goscinny. C'est pendant le tournage du film que la fille de ce dernier, Anne, avait tâté le terrain: ne serait-il pas intéressé à prendre les rênes d'un quatrième «Astérix» ? «J'ai refusé. Puis, j'ai réfléchi. C'est le genre d'occasion qui peut ne se présenter qu'une fois en carrière. Ce genre de proposition, humainement et cinématographiquement, ça ne se refuse pas.»

Il a donc poursuivi sa réflexion. «Il fallait que je trouve un sens au projet: qu'est-ce que je pourrais y apporter, moi?» Il a trouvé. D'abord, il voulait plus de femmes à l'écran: «Depuis toujours, ça me gêne qu'il n'y ait pas plus de personnages féminins dans Astérix, mais aussi dans Lucky Luke ou dans Tintin. C'est une convention qui passe bien en bande dessinée, mais à l'écran, avec des personnages en chair et en os, ça ne marche plus.»

Il a donc imaginé une reine des Bretons, incarnée par Catherine Deneuve; une jeune romantique très «jane-austenienne», jouée par Charlotte LeBon; et sa gouvernante, interprétée par Valérie Lemercier. Pour laquelle Obélix (incontournable Gérard Depardieu) aura un «gros» béguin tandis qu'Astérix, «en mode existentiel, se posera des questions sur sa relation avec son copain - c'est quoi, ces deux célibataires endurcis qui vivent ensemble et pourquoi se lèvent-ils chaque matin avec ce désir de partir à l'aventure?», explique le cinéaste. Il a exploré la question. Astérix aussi, donc.

Pour incarner cet Astérix nouveau, Laurent Tirard a pensé à Édouard Baer, qu'il avait déjà dirigé deux fois. «Le film parle du clash des cultures, puisqu'on y voit les Gaulois, les Bretons, les Romains et les Normands. Je voulais un Astérix qui reflète ce que les étrangers pensent des Français: charmeur, pétillant, dragueur. Édouard peut être tout cela.» Et, après avoir offerts aux producteurs une distribution de soutien à «gros noms» (Fabrice Luchini en César, Catherine Deneuve en reine bretonne, Dany Boon en Têtedepiaf, etc.), il est parvenu à faire accepter ce choix à première vue pas évident.

Ici, Laurent Tirard sourit. Mais on sent la compétence et la volonté de fer sous cette voix de velours.

Essentiel pour mener à bon port tel navire, dont le «voyage» est estimé à 50 millions d'euros; dont le tournage, qui s'est étalé sur quelque 6 mois, s'est fait en 3D - «Ce qui signifie entre autres une certaine lourdeur technique, exige une perfection des décors, des costumes et des maquillages, même pour les figurants; et impose une manière différente de penser le film, avec des plans plus longs et une mise en scène qui ressemble un peu à celle des années 50»; et dont le produit final arrivera sur les écrans québécois à la fin de l'année prochaine.

Essentielles aussi, ces qualités, pour ne pas perdre le cap même lorsque les éléments se déchaînent. Il pleuvait des cordes lors du passage de La Presse à Komarom. Les 200 figurants hongrois, engagés pour se poster dans les gradins ou pour «jouer» au rugby, protégeait leurs moustaches et leur costume sous des imperméables improvisés, leurs sandales dérapant dans des rigoles de boue qui, au fil des heures, se donnait des allures de marée haute. D'où, en cette mi-juillet, la nécessité de fermer le plateau pour un trois jours. Il aurait pu y avoir panique à bord. En fait, il aurait dû y avoir panique à bord, tant les retards sont coûteux. Eh bien, non. «Nous partons faire du repérage autour du Dublin», a annoncé Marc Missonnier.

Après tout, avec ou sans potion magique, on ne se bat pas avec les dieux quand ils décident de nous tomber sur la tête.