Monsieur Lazhar s'en va aux Oscars. Son cinéaste Philippe Falardeau n'avait jamais osé y rêver. Qu'importe. Ce qui n'était même pas un rêve s'est transformé en réalité.

Falardeau est devenu hier le quatrième cinéaste canadien à être sélectionné parmi les finalistes à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. L'an dernier, Incendies de Denis Villeneuve, produit par la même jeune société montréalaise, micro_scope, s'était aussi retrouvé à la célèbre Soirée des Academy Awards, dans la même catégorie.

À ce jour, seul Denys Arcand a remporté la prestigieuse statuette pour Les invasions barbares, en 2004. Le Déclin de l'Empire américain et Jésus de Montréal, du même cinéaste, avaient été finalistes à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1987 et 1990. Water, de Deepa Mehta, en langue hindi, avait aussi concouru dans cette catégorie en 2007.

«C'est comme un rêve que je n'ai jamais eu qui devient réalité!» a déclaré Philippe Falardeau, qui présentait hier soir Monsieur Lazhar au Festival de Sundance, dans l'Utah. Un autre film québécois, Dimanche, de Patrick Doyon, est finaliste dans la catégorie du court métrage d'animation.

Peu de surprises

Le dévoilement des finalistes de la 84e Soirée des Oscars, qui aura lieu le 26 février, a par ailleurs offert peu de surprises, hier à Los Angeles. Deux oeuvres qui rendent hommage au cinéma muet, Hugo de Martin Scorsese, célébrant en 3D le travail du pionnier Georges Méliès, et The Artist du Français Michel Hazanavicius, brillant pastiche des films des années 20, dominent la course, avec respectivement 11 et 10 citations. Ils sont suivis de Moneyball de Bennett Miller et War Horse de Steven Spielberg, finalistes dans six catégories.

On peut d'ores et déjà prévoir une lutte à trois dans les catégories de pointe entre Hugo, The Artist et l'excellente tragicomédie d'Alexander Payne, The Descendants. Parmi les neuf candidats à l'Oscar du meilleur film, on retrouve également Extremely Loud & Incredibly Close de Stephen Daldry, The Help de Tate Taylor, Midnight in Paris de Woody Allen, Moneyball de Bennett Miller, The Tree of Life de Terrence Malick et War Horse de Stephen Spielberg (dont Les aventures de Tintin a été écarté de la catégorie du meilleur film d'animation).

Une brochette somme toute conventionnelle, composée de drames réalisés exclusivement, comme le remarquait hier le New York Times, par des hommes blancs dont l'âge moyen, 57 ans, s'approche de celui des membres vieillissants de l'Académie. Il y a des choses qui, décidément, ne changent pas.

La compétition est particulièrement relevée, justement, parmi les finalistes à l'Oscar de la meilleure réalisation, avec les candidats d'exception que sont Alexander Payne, Martin Scorsese, Michel Hazanavicius, Woody Allen et Terrence Malick.

L'Oscar du meilleur acteur se présente quant à lui comme un duel entre George Clooney, qui a trouvé l'un de ses plus beaux rôles dans The Descendants, et le Français Jean Dujardin, nouvelle coqueluche du Tout-Hollywood, dont le film, The Artist, soutenu par le distributeur et spécialiste du lobbying des Oscars Harvey Weinstein, semble avoir le vent en poupe à un mois du Jour J.

On regrettera, dans cette catégorie, l'absence de Michael Fassbender, extraordinaire dans Shame de Steve McQueen. Il s'agit, à mon avis, du plus important «oubli», sinon de la plus grande injustice de ce dévoilement de finalistes. On lui a préféré Brad Pitt (Moneyball), Gary Oldman (Tinker Taylor Soldier Spy) et Demian Bichir (A Better Life).

Parmi les actrices, Meryl Streep fait de toute évidence figure de favorite pour son rôle mémorable de Margaret Thatcher dans The Iron Lady. Glenn Close (Albert Nobbs), Viola Davis (The Help), la révélation Rooney Mara (The Girl with the Dragon Tattoo) et Michelle Williams (My Week With Marilyn) complètent le tableau.

La compétition devrait être plus grande pour l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle entre Bérénice Bejo (The Artist), Jessica Chastain (The Help), Melissa McCarthy (Bridesmaids), Janet McTeer (Albert Nobbs) et Octavia Spencer (The Help).

Le vénérable Christopher Plummer, qui a grandi à Montréal, serait un lauréat fort méritant pour l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour The Beginners de Mike Mills. Il sera opposé à Kenneth Branagh (My Week With Marilyn), Jonah Hill (Moneyball), Nick Nolte (Warrior) et un autre acteur légendaire, Max von Sydow (Extremely Loud&Incredibly Close).

L'ONF

L'Office national du film a récolté hier ses 71e et 72e nominations aux Oscars. En plus de Dimanche de Patrick Doyon, Une vie sauvage des Canadiennes Amanda Forbis et Wendy Tilby concourra dans la catégorie du meilleur court métrage d'animation. In Darkness de la Polonaise Agnieszka Holland, retenu dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, est également une coproduction canadienne (qui prendra l'affiche au Québec le 17 février).

Sans vouloir jouer les rabat-joie, j'oserai dire que Monsieur Lazhar, une très belle adaptation de la pièce d'Évelyne de la Chenelière, a malheureusement de minces chances de remporter un Oscar.

Une séparation d'Asghar Farhadi, plébiscité par toutes les associations de critiques américaines et lauréat d'un Golden Globe, est le grand favori dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. D'autant plus qu'il est aussi candidat à l'Oscar du meilleur scénario original, une rareté pour un film étranger. Ce remarquable film iranien prendra l'affiche au Québec, le 24 février, deux jours avant la cérémonie des Oscars

«J'ai vu Une séparation et malheureusement, je l'ai trouvé très bon!», a dit hier en riant Philippe Falardeau, pour qui la présence de Monsieur Lazhar aux Oscars est déjà un exploit. Dans le passé, il faut dire, la soirée des Oscars nous a réservé plus d'une surprise...

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