Meryl Streep et Phyllida Lloyd, qui l'a dirigée dans Mamma Mia!, refont équipe afin de porter à l'écran la vie de Margaret Thatcher. Du moins, une vision de la vie de la femme politique controversée, écrite par la coscénariste de Shame, Abi Morgan. Rencontre avec les trois dames de fer derrière The Iron Lady.

Peu importe l'opinion que l'on aura de The Iron Lady de Phyllida Lloyd, une chose est certaine: Meryl Streep sera en nomination aux Oscars pour sa personnification de Margaret Thatcher. Et elle mériterait de remporter la statuette dorée pour cette performance, ce qui ne lui est pas arrivé depuis Sophie's Choice (meilleure actrice), en 1983, et Kramer vs. Kramer (meilleure actrice dans un rôle de soutien), en 1980.

Une performance qui a nécessité recherches, lectures et visionnement d'archives. Bref, bien plus que la seule application de prothèses, de perruques et de maquillage, assure la comédienne qui incarne l'ancienne première ministre britannique sur une période de près de 40 ans: «Au départ, il fallait de quatre à cinq heures de maquillage par jour, mais la méthode de travail de l'extraordinaire Mark Coulier n'est pas d'ajouter et d'alourdir, c'est d'enlever, enlever, enlever. Il a créé des prothèses pas plus épaisses que la peau. Je me sentais libre.»

Libre, aussi, dans les souliers de ce personnage «historique»... puisqu'une partie du film tient de la fiction: «Les faits et événements ont été vérifiés et contre-vérifiés, mais n'oubliez pas que, 40% du temps, j'incarne une femme que personne ne connaît. C'est une vie imaginée. Trois jours dans la vie d'une vieille dame qui décide de se départir des possessions de son mari, mort des années plus tôt. Et qui, ce faisant, se souvient», résume l'actrice. En d'autres mots, The Iron Lady n'est ni une biographie filmée ni un docudrame, mais plutôt un film qui pose un regard sur des moments choisis. Et ce regard est celui de Margaret Thatcher. Son point de vue à elle, non celui de l'Histoire.

C'est une des choses qui feront réagir les détracteurs de celle qui fut la première femme à prendre la tête des forces conservatrices et à diriger le Royaume-Uni pendant 11 ans, de 1979 à 1990. Et qui, 20 ans plus tard, provoque encore la controverse.

Meryl Streep en est consciente, mais sa vision du personnage est nuancée. «Je suis peut-être complètement dans l'erreur, mais je pense qu'elle a eu le courage de se tenir debout et qu'elle était motivée par un désir de faire le bien, dit-elle. Et, selon moi, ce qu'elle a fait pour «notre» équipe (les femmes) est extraordinaire. Elle est issue d'une famille où il y avait deux filles, à une époque où les fils étaient privilégiés. Sans fils, un père n'avait personne en qui placer son ambition. Celui de Margaret a compris un jour qu'une de ses filles était forte, curieuse, incroyablement intelligente, et qu'elle pourrait être son «fils».»

Un «opéra tragique»

«Ce film est, à mon sens, un genre de King Lear au féminin. Un drame shakespearien qui traite de la perte du pouvoir, plus qu'une biographie filmée», ajoute ici la réalisatrice Phyllida Lloyd.

Habituée aux mises en scène de théâtre et d'opéra, celle dont le premier long métrage (Mamma Mia!) est le plus gros succès commercial britannique de tous les temps parle donc d'un «opéra tragique». La scénariste Abi Morgan abonde. «Denis Thatcher joue un peu le rôle du fou du roi, ce qui a beaucoup influé sur la structure du film et lui donne quelque chose de théâtral et de poétique», dit celle qui vient de coscénariser le drame Shame, de Steve McQueen.

Incarné par Jim Broadbent (et, dans ses jeunes années, par Harry Lloyd - alors que Margaret Thatcher prend, elle, les traits d'Alexandra Roach), le mari de la dame de fer est en effet très présent dans le récit. Même après sa mort, survenue en 2003, puisqu'il «hante» sa femme au cours des trois journées, servant de pivot aux retours en arrière de The Iron Lady.

Cet aspect «Madame et son fantôme» est d'ailleurs à l'origine de certaines critiques que le film essuie, en particulier en Grande-Bretagne. Le portrait «contemporain» de Margaret Thatcher est en effet celui d'une femme de 86 ans atteinte de démence depuis une décennie, selon la biographie écrite par sa fille Carol. «Nous montrons une femme fragile et de santé délicate et certaines personnes ont dit qu'il était honteux de montrer cette partie de la vie. Elles pensent peut-être qu'il faut taire et cacher le déclin qui accompagne la fin de la vie. Je ne le pense pas», laisse tomber Meryl Streep avec l'assurance des grands.

Elle a ainsi accepté avec bonheur d'enfiler ces souliers «à la fois grands et étroits». Ce n'était qu'un des défis qui l'attendaient. Un autre défi étant «de livrer ces longues tirades que Margaret Thatcher lançait sans reprendre son souffle, probablement pour ne pas être interrompue». Par les hommes qui l'entouraient dans ce monde où les femmes, même de fer, n'étaient pas les bienvenues.

The Iron Lady (La dame de fer en version française) prend l'affiche le 13 janvier. Les frais de voyage ont été payés par Alliance Vivafilm.