Mis à part l'ajout de deux primeurs qui prendront l'affiche le jour de Noël (War Horse et The Darkest Hour), la programmation des salles de cinéma restera intacte pendant les deux prochaines semaines. Les cinéphiles profiteront de l'occasion pour aller voir tous ces films lancés récemment, et rattraperont aussi ceux qui, sortis cet automne, ont eu la chance de survivre jusqu'au temps des Fêtes. Et ce, sans crainte de voir les titres convoités disparaître au profit d'un nouvel arrivage. Il est de tradition de présenter des oeuvres de qualité lorsque l'année s'achève, mais force est de constater que l'offre se révèle particulièrement riche en ce temps de réjouissances.

Bien sûr, les thèmes abordés dans la plupart de ces longs métrages font contraste avec l'esprit du moment, mais le cinéphile de votre entourage vous répondra que le moment est toujours idéal pour voir un bon film. Il est d'autant plus enthousiaste de prendre le chemin des salles obscures qu'il a présentement le loisir de composer sa propre sélection de festival de cinéma. Comprenez-le. Aimez-le en dépit de ses absences. Il vous reviendra quand les salles reprendront leur cours normal vers la mi-janvier.

Pour vous aider à y voir clair dans le périple cinématographique qu'entreprendra votre cinéphile favori, dégageons de l'ensemble de la programmation quelques oeuvres incontournables, parmi lesquelles certaines ont même des chances d'être honorées à la prochaine saison des récompenses.

Commençons par les films présentés à Cannes. Les hasards de la distribution font en sorte que les marquises des salles montréalaises se donnent des allures de Croisette ces jours-ci.

Il y a d'abord Melancholia de Lars von Trier. Dont on peut aujourd'hui mesurer la juste valeur, sans égard au malencontreux dérapage «nazi» du cinéaste provocateur, ce qui lui a valu d'être chassé comme un malpropre de la station balnéaire de la Côte d'Azur. Melancholia n'est peut-être pas le meilleur film du trublion danois, mais il comporte son lot de fulgurances. Absent des radars américains, ce drame apocalyptique a récemment triomphé aux Prix du cinéma européen.

La piel que habito est l'un des films les plus sombres qu'a réalisés Pedro Almodóvar, mais aussi l'un de ses plus maîtrisés. Avec, en prime, de belles retrouvailles avec Antonio Banderas.

Si Almodóvar fut écarté du palmarès cannois par le jury présidé par Robert De Niro, les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne ont, de leur côté, eu droit au Grand Prix, ex æquo avec Once Upon a Time in Anatolia de Nuri Bilge Ceylan (dont on souhaite l'arrivée en salle un jour). Le gamin au vélo, à l'affiche aujourd'hui, s'inscrit dans la très belle continuité du cinéma des frangins belges. Et comporte de surcroît un aspect plus solaire.

The Artist, qui a valu un prix d'interprétation à Jean Dujardin au même Festival de Cannes, est en voie de devenir un film phénomène. Ce film en noir et blanc du Français Michel Hazanavicius, en forme d'hommage au cinéma muet hollywoodien des années 20, se positionne comme l'un des plus sérieux candidats dans la prochaine course aux Oscars.

Du quatre étoiles

Deux excellents films, présentés à Cannes dans la section Un certain regard, sont aussi à l'affiche chez nous et méritent le détour. L'exercice de l'État est un film fascinant dans lequel l'auteur cinéaste Pierre Schoeller nous montre un visage inédit de la politique. Olivier Gourmet, toujours remarquable, en est la tête d'affiche. Robert Guédiguian propose de son côté Les neiges du Kilimandjaro, un film qui marque le retour de l'auteur cinéaste marseillais au cinéma social contemporain.

Pina en 3D, documentaire magnifique dans lequel Wim Wenders fait écho au travail de la légendaire - et regrettée - chorégraphe Pina Bausch, fait aussi partie de ces films qu'il ne faut pas rater. D'autant que Pina est précédé du très beau court métrage de Philippe Baylaucq Ora, dans lequel l'univers du chorégraphe José Navas rencontre celui du cinéaste à la faveur d'un projet artistique novateur.

Trois longs métrages québécois à l'affiche se distinguent par ailleurs chacun à sa façon. Monsieur Lazhar (Philippe Falardeau), Le vendeur (Sébastien Pilote) et Nuit # 1 (Anne Émond) se sont en outre déjà fait valoir avantageusement sur le circuit festivalier.

Et puis il y a The Descendants (Alexander Payne), Shame (Steve McQueen), Young Adult (Jason Reitman), tous aussi «quatre étoiles» les uns que les autres. Les amateurs de drames d'espionnage devraient aussi jeter un coup d'oeil au très solide Tinker, Tailor, Soldier, Spy (La taupe), un film qui ne semble pourtant pas aussi bien accueilli - peut-être est-ce culturel? - en Amérique du Nord qu'en Europe. Et l'on n'oublie pas la sélection pop-corn de la saison, Mission: Impossible - Ghost Protocol. Qui aurait cru qu'un réalisateur venu du cinéma d'animation surclasserait Brian de Palma, John Woo et J.J. Abrams sur leur propre terrain en proposant le meilleur épisode - et de loin - de la série? On le sait maintenant: le chef des Incroyables, c'était Brad Bird!

Nos meilleurs voeux de bon cinéma vous accompagnent.

Ce billet hebdomadaire fera relâche jusqu'au 3 février.