Millénium de Stieg Larsson contient une solide dénonciation de la droite suédoise et un discours hautement féministe. Mais ce n'est pas ce qui a fait le succès des romans, assurent les artisans de l'adaptation hollywoodienne du premier tome de la trilogie. Discussion.

«J'avais lu les romans mais je n'avais pas vu les films suédois. J'avais envir d'adapter les livres pour le cinéma, pas d'écrire un remake», a affirmé d'entrée de jeu le scénariste Steve Zaillian, connu pour ne pas avoir peur de s'atteler à la scénarisation d'ouvrages marquants - de Searching for Bobby Fisher à Schindler's List en passant par All The King's Men et Moneyball. Et, maintenant, le premier tome de la trilogie Millénium de Stieg Larsson, The Girl with the Dragon Tattoo.

Et ce qui l'a intéressé dès le départ, a-t-il indiqué lors de conférences de presse à New York le week-end dernier, c'est ce drôle de couple que forment Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander. «Drôle de couple»: l'expression exacte avec laquelle le réalisateur David Fincher décrit l'union du journaliste intègre mais déchu et de la jeune punk asociale qui vend ses talents de pirate informatique. Ensemble, ils vont tenter de percer le mystère d'un meurtre qui serait survenu 40 ans plus tôt. Sur une île privée appartenant à une riche famille au passé trouble, les Vanger.

«Tous ces clans ont des squelettes dans leur placard. Mais cette famille est tellement nombreuse! Ce côté Agatha Christie était un peu étourdissant au début. Sauf que quand un auteur juge nécessaire d'insérer un arbre généalogique dans son roman, vous savez, comme cinéaste, que vous aurez à l'élaguer. Et ce n'était pas grave parce que la vraie invention de Larsson, c'est ce drôle de couple», indique David Fincher. Qui, avec Steve Zaillian, a coupé certaines branches et en a redirigé d'autres.

Ils ont aussi évacué la dénonciation de la droite suédoise qui alimente bien des pages des livres du romancier-journaliste. «Là encore, ce n'est pas pour ça que les romans ont marché», assure David Fincher pour qui l'intrigue policière, l'enquête menée par Blomkvist et Salander, est elle aussi moins fascinante que le tandem lui-même.

Pour l'incarner, la surprenante Rooney Mara et un Daniel Craig particulièrement effacé. Ne jouant pas les James Bond, quoi. «Blomkvist est un homme ordinaire, résume l'acteur anglais. S'il a peur ou est en danger, il va se sauver en criant, comme n'importe qui. J'ai voulu rendre ce côté normal du personnage - qui se sent bien dans cette relation étrange avec Lisbeth, où c'est elle qui porte la culotte.»

Ce qui n'empêche pas les actes de bravoure... mais à échelle très humaine. Lorsque le journaliste, par exemple, est retenu prisonnier quelque part par un de ces «hommes qui n'aimaient pas les femmes» - selon le titre français du roman et du film. Quand on sait que David Fincher est réputé pour tourner une quarantaine de prises de la même scène, on imagine l'enfer enduré par Daniel Craig, pendu par les poignets, un sac de plastique sur la tête. «Oh, vous savez, à un moment donné, vous ne comptez plus les prises. Mais j'avoue que cette scène était... inconfortable. Heureusement, le coordonnateur des cascades m'avait donné un avertisseur que je dissimulais dans une de mes mains, pour sonner l'alarme si je me mettais à vraiment étouffer», a-t-il rigolé avec un flegme tout britannique.

Mais, tout comme le réalisateur, ce ne sont pas ces moments de suspense qui l'ont attiré vers le projet. C'est Lisbeth Salander. Plus précisément, le rapport de Blomkvist à Lisbeth. «Ils ne devraient pas se connaître, se croiser. Ils ne sont pas du même milieu, de la même génération, n'ont pas le même background ni classe sociale. Et pourtant, il y a cette confiance que l'un va développer envers l'autre, cette honnêteté entre eux...»

C'est ce que tous se sont efforcés de porter à l'écran.

The Girl with the Dragon Tattoo (Millénium: Les hommes qui n'aimaient pas les femmes) est déjà à l'affiche. Les frais de voyage ont été payés par Sony Pictures.