Le jour où ses compatriotes Luc et Jean-Pierre Dardenne ont fait appel à elle pour tenir le premier rôle féminin du Gamin au vélo, l'actrice a ressenti une très grande fierté.

Pour donner le plus d'authenticité possible à leurs histoires, Luc et Jean-Pierre Dardenne font habituellement appel à des comédiens non professionnels. Ils se tournent aussi parfois vers des acteurs aujourd'hui accomplis, qui ont souvent été révélés grâce à leur cinéma. Oliver Gourmet, Jérémie Rénier, Deborah François, Émilie Dequenne, pour ne nommer qu'eux, étaient encore pratiquement inconnus le jour où ils ont fait leur entrée dans l'univers des deux frangins belges. La promesse, Rosetta, L'enfant...

Cécile de France rêvait en secret de travailler un jour sous la direction de ses distingués compatriotes. Mais elle estimait pratiquement nulles les chances d'une telle rencontre. Depuis une dizaine d'années, elle est l'une des actrices les plus en vue du cinéma français, notamment grâce à des films comme L'auberge espagnole (Cédric Klapisch), Un secret (Claude Miller), Fauteuils d'orchestre (Danièle Thompson), ou Quand j'étais chanteur (Xavier Giannoli). L'an dernier, elle s'est fait remarquer sur la scène internationale en tenant l'un des rôles principaux de Hereafter, un film que signe un dénommé Clint Eastwood.

«Clint Eastwood l'an dernier; les frères Dardenne cette année, c'est une chance incroyable de passer entre les mains de tels génies! lance l'actrice au bout du fil. Je l'apprécie d'autant plus dans le cas des Dardenne que ma cause semblait complètement perdue à mes yeux. Luc et Jean-Pierre n'ont jamais fait appel à une actrice connue auparavant. Travailler avec eux est un honneur. D'avoir l'occasion de retourner dans mon pays et de défendre les couleurs du cinéma belge en compagnie de ces deux maîtres engendre aussi des moments de bonheur intenses.»

Une présence lumineuse

Dans Le gamin au vélo, Cécile de France donne la réplique à Thomas Doret. Ce dernier, jeune acteur non professionnel, fait sensation dans la peau de Cyril, un garçon d'une douzaine d'années, placé dans un foyer depuis que son père (Jérémie Rénier) ne peut plus s'occuper de lui. Samantha (Cécile de France), une jeune femme tenant un salon de coiffure, accepte d'accueillir le jeune garçon chez elle les fins de semaine.

«L'idée du Gamin au vélo est venue d'une histoire qu'on nous a racontée au Japon, ont expliqué les réalisateurs lors d'une conférence de presse tenue à Cannes. Pendant des années, un gamin a attendu des nouvelles de son père à l'orphelinat parce qu'en le déposant, il lui avait promis son retour. Il n'est jamais revenu.

«Nous avons pensé très vite à Cécile de France pour tenir le rôle, car elle possède une présence lumineuse évidente. Samantha, c'est l'amour, mais c'est aussi l'apprentissage du monde pour Cyril. Avec toutes les désillusions qui marqueront le chemin.»

Le gamin au vélo s'inscrit ainsi dans la belle continuité de l'oeuvre des Dardenne, mais comporte toutefois un aspect solaire plutôt inédit dans leur cinéma.

«J'ai abordé ce film comme une nouvelle expérience et ce fut très enrichissant, souligne l'actrice. Sur le plan artistique, mais aussi sur le plan humain. Je n'avais jamais travaillé de cette façon-là auparavant. J'ai été fascinée par la démarche de Luc et Jean-Pierre, leurs doutes, les moyens qu'ils prennent pour obtenir ce qu'ils cherchent. C'est quelque chose de très mystérieux, mais ça donne des films magnifiques!»

Un style unique

Fidèles à leur habitude, les Dardenne travaillent beaucoup en amont. Deux mois de répétitions avec les acteurs avant le tournage constitue un luxe que peu de cinéastes peuvent se permettre.

«Très vite, nous avons répété dans les vrais décors, en portant les vrais costumes, sans avoir recours à des doublures ou à des cascadeurs, révèle l'actrice. Les Dardenne affichent un véritable amour de la recherche, de l'authenticité, et nous le partageons avec eux. Malgré leur notoriété, ils travaillent sans aucun artifice. Pendant le tournage, c'est pareil. Ils cherchent constamment, ne se satisfont jamais d'une première prise, et ils cherchent encore pour trouver la note la plus juste possible. Personnellement, j'adore ça. Il n'y a qu'eux qui parviennent à faire des films comme ça. Leur style est unique!»

Vibrant très fort pour son pays, Cécile de France estime que les films belges se distinguent sur le plan international grâce à leur propos universel, livré pourtant avec leur spécificité.

«Je crois que nos films plaisent parce qu'ils ne ressemblent à rien d'autre, fait-elle valoir. C'est un cinéma qui est proche de la vie, qui comporte de l'humour, de la tendresse, et des émotions parfois contradictoires. La Belgique n'ayant pas eu souvent droit au chapitre, elle a aujourd'hui des trucs à dire. Et c'est souvent à travers le cinéma qu'elle s'exprime. On sent qu'il se passe quelque chose présentement à cet égard.»

Plus tôt cette année, Cécile de France a par ailleurs retrouvé son réalisateur de Quand j'étais chanteur, Xavier Giannoli, pour tourner une comédie dont le titre de travail serait Superstar. Kad Merad et Mathieu Amalric sont ses partenaires de jeu.

Le gamin au vélo prend l'affiche le 23 décembre.