Après avoir porté à l'écran une pièce de Wajdi Mouawad, Denis Villeneuve tournera le printemps prochain l'adaptation cinématographique du roman du Prix Nobel de littérature José Saramago, L'autre comme moi.

Enemy (Un ennemi), une coproduction canado-espagnole, dont une partie du financement provient de la France et de la Grande-Bretagne, sera tournée en anglais à Toronto. Le cinquième long métrage de Denis Villeneuve sera distribué par Alliance et produit par Niv Fichman (Le violon rouge), qui avait également produit Blindness, du Brésilien Fernando Meirelles (tourné à Toronto et tiré de l'un des plus célèbres romans de l'écrivain portugais).

«Enemy sera un film intimiste, dit Denis Villeneuve, qui a adapté le récit avec un ami scénariste espagnol. C'est un trip de cinéma et de mise en scène. Et une cassure avec la violence de mes derniers films. J'avais besoin d'aborder d'autres thématiques.»

L'autre comme moi, roman datant de 2002 du regretté écrivain de La lucidité, raconte l'histoire d'un professeur de 38 ans, divorcé et solitaire, qui découvre par hasard dans un film son double parfait. Horrifié, il voudra en savoir davantage sur cet acteur qui est son sosie. Jusqu'à en faire une obsession.

«C'est un petit film, dit Denis Villeneuve, humblement. Un projet personnel que j'ai développé en parallèle, alors que je recevais des propositions de scénarios des États-Unis. Paradoxalement, c'est celui qui se fera en premier.»

Le réalisateur reste prudent en parlant de ce premier projet concret depuis Incendies, qui apparaît ces jours-ci sur plusieurs listes de fin d'année de critiques américains (notamment celle de Stephen Holden du New York Times, hier). Villeneuve a été associé depuis des mois à de nombreux longs métrages, notamment en France et aux États-Unis, qui attendent toujours le feu vert.

Le cinéaste de Polytechnique et de Maelström n'est d'ailleurs pas encore fixé sur l'acteur principal d'Enemy, une proposition de jeu particulièrement exigeante. «C'est un film où le personnage principal va de bouleversement en bouleversement, dit-il. J'ai besoin d'un comédien très solide. J'ai des idées pour le casting. Je me permets de rêver un peu!»

En tandem avec Russell Banks

Le cinéaste québécois travaille également depuis quelques mois avec l'Américain Russell Banks à l'adaptation de son roman American Darling, qu'il souhaite idéalement pouvoir réaliser au printemps 2013. Martin Scorsese avait été pressenti pour la réalisation de ce film indépendant. Admirateur avoué d'Incendies, Scorsese est lié au projet à titre de producteur.

«Il faut travailler à l'adaptation du scénario, dit Denis Villeneuve, qui a rencontré Russell Banks à quelques reprises déjà. Russell Banks a une expérience d'écrivain qui me sidère. J'ai mis du temps à m'accaparer le récit, tellement j'étais impressionné. Mais j'ai beaucoup de plaisir à travailler avec lui. Il a vraiment une grande ouverture. Pour l'instant, notre travail d'adaptation reste trop collé au roman.»

American Darling, un livre dur et bouleversant de l'auteur de De beaux lendemains ayant comme trame de fond la guerre civile et la prise de pouvoir sanglante de Charles Taylor au Liberia, n'est pas un film facile à financer, selon Denis Villeneuve.

«C'est un film de guerre, qui se passe en Afrique, autour d'un personnage féminin difficile à saisir, dit-il. Trois choses qui rendent le film moins facile à produire. C'est un projet ambitieux, qui donne un peu le vertige, mais auquel je me sens privilégié de participer.»

Une comédienne américaine que Villeneuve admire beaucoup, mais qu'il préfère ne pas nommer, est associée au projet, ce qui laisse espérer qu'il pourrait bientôt se concrétiser. Il s'agirait, selon certaines sources, de Jessica Chastain, à l'affiche de The Tree of Life de Terrence Malick.

Deux romans de Russell Banks ont déjà été adaptés au cinéma: De beaux lendemains d'Atom Egoyan, Grand prix du Festival de Cannes en 1997, et Affliction, réalisé en 1997 par Paul Schrader.

Le projet hollywoodien de Denis Villeneuve, Prisoners, un thriller du studio Warner Bros. doté d'un budget de 50 millions de dollars, à propos d'un père qui cherche sa fille kidnappée, a quant à lui été retardé. Le tournage du film, auquel ont été associés auparavant les réalisateurs Bryan Singer et Antoine Fuqua, est toujours théoriquement prévu pour 2012.

«Nous étions prêts à tourner, explique Denis Villeneuve. Mais tout a été retardé quand l'acteur principal a dû se consacrer à un autre projet. On est en attente. C'est un processus particulier.»

Le «cycle» Incendies

Tous ces projets ont bien sûr été rendus possibles grâce au rayonnement international d'Incendies. Depuis septembre, le cinéaste n'accompagne plus son film à l'étranger, afin de se consacrer à la scénarisation de ses prochains longs métrages. «J'ai fait beaucoup de rencontres intéressantes, dit-il, mais il était temps de passer à autre chose. J'ai eu l'impression que la dernière année m'était un peu passée entre les mains.»

Le «cycle» Incendies n'est pas tout à fait terminé encore. Le film, qui a pris l'affiche dans une trentaine de pays au cours des 12 derniers mois et remporté de nombreux prix dans des festivals, a entre autres été sacré meilleur film étranger de l'année par l'association des critiques de Boston, en plus de recevoir une mention de l'association des critiques de New York. L'adaptation de la pièce de Wajdi Mouawad doit prendre l'affiche au Japon la semaine prochaine.

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