«J'ai trouvé ça violent», qu'il m'a dit en sortant. Et mes scrupules de père de s'éveiller soudainement. C'est vrai que c'est violent. On se bagarre et on se tire dessus du début à la fin. Il a raison et l'âge pour l'avoir.

Les livres s'adressent à un public de 7 à 77 ans. Il a 7 ans justement. Le secret de la Licorne est son album préféré de Tintin. On l'a souvent lu ensemble. Pas parce que Tintin est journaliste comme papa. Mais parce qu'il y est question de trésors, de pirates, d'aventures. Et qu'il n'y a rien de plus comique, pour lui, qu'une réplique de Dupont à Dupond. Je dirais même plus...

Dans les livres aussi, bien sûr, il y a des «Pan! Pan!», mais pas au rythme effréné du film, que nous avons vu le week-end dernier. L'esprit de l'oeuvre de Hergé a certes été respecté par Steven Spielberg, mais, dans ses mains, le reporter sans âge du Petit Vingtième devient une sorte d'Indiana Jones du film d'animation moderne.

Aventurier intrépide, plus «viril» en 3D que sur papier, entraîné dans un tourbillon de revirements, au coeur d'une mise en scène rythmée comme un feu d'artifice éblouissant. On s'essouffle à suivre ses cascades. J'aurais pris quelques répits. Mes garçons aussi.

Mon plus jeune, 5 ans, a débattu seul des bienfaits respectifs de la 2D et de la 3D, en retirant constamment ses lunettes. C'est vrai que la différence n'est pas trop marquée, la 3D pas envahissante comme elle l'est en d'autres circonstances. J'aime bien les voir, tous les deux, chaque fois ou presque que l'on va au cinéma, fendre l'air avec leurs doigts en tentant de capter un objet qui s'anime devant leurs yeux. Mais pas deux heures durant.

Le secret de la Licorne est un beau film. Visuellement impressionnant, très soigné, captivant, avec des clins d'oeil à l'oeuvre tout entière de Hergé, mais aussi aux films précédents de Spielberg. La houppette de Tintin qui nage devient un aileron de requin comme dans Jaws...

Tintin n'a pas raté son voyage cinématographique en Amérique. Le secret de la Licorne est du pur divertissement à la Spielberg: référentiel, efficace, sans temps morts. C'est un film d'action mené de main de maître qui reste pourtant, malgré toutes ses prouesses techniques et ses pirouettes scénaristiques, assez conventionnel dans l'ensemble.

Le cinéaste de Jurassic Park ne s'éloigne pas tellement de l'enchaînement typique «scène de poursuite après scène de bagarre après scène de poursuite». Et si le scénario du Secret de la Licorne respecte, du moins dans l'esprit, la version originale de Hergé, il est truffé de codes propres au film d'action, visant à rassurer le public nourri à ce genre. Jusque dans une bataille de grues mécaniques, longuette, se voulant une métaphore du combat d'épées d'autrefois.

Est-ce que les Américains se rueront au cinéma découvrir cette aventure de «Tinetine», dont ils ignorent pour la plupart l'existence? Probablement, puisqu'il s'agit d'un film de Steven Spielberg, produit par Peter Jackson, publicisé à coups de millions. Mais un doute subsiste.

Non seulement Le secret de la Licorne est campé en Europe et au Maroc, mais il ne compte pas de personnage féminin fort ni de morale à la clé. Des éléments parmi d'autres - comme les références à la culture populaire des années 80, censées amadouer les parents - devenus parties intégrantes d'un canevas quasi obligatoire pour assurer le succès d'un film d'animation américain.

En ce sens, c'est vrai, cette aventure de Tintin se distingue des productions «pour la famille» auxquelles Hollywood nous a habitués depuis 10 ans. Ce qui est rafraîchissant. Mais le succès sera-t-il assez grand pour assurer une suite à ce premier épisode, à laquelle la porte est grande ouverte? Je ne bouderais pas un Trésor de Rackham le rouge à la manière Spielberg. Mes garçons non plus.

L'influence

«Combien d'étoiles, papa?» La question me désespère toujours un peu, tellement je mène un combat pour que la critique de film ne se réduise jamais à une note. Eux, au contraire, ont d'ordinaire leurs étoiles toutes prêtes.

Trois étoiles et demie, m'a dit le plus grand. Pour le plus jeune, c'est presque toujours 1000. «Non. Deux cent quatre-vingts mille cent», a-t-il rectifié «rapido pesto», comme il dit. On sortait de Happy Feet Two, avec un Mumble devenu grand (que l'on appelle chez nous «Mambo»), ayant eu un fils (Erik) avec sa vieille flamme Gloria... qui pourtant semblait en avoir eu plusieurs autres avec un pingouin obèse dans le premier film. À ne rien y comprendre. Comme une intrigue de téléroman.

Je ne sais pas si, comme moi, mes fils ont compris que les deux crevettes à l'écran formaient un couple homosexuel - ils ne m'ont pas posé la question -, mais je sais que de voir ce genre de film des dizaines de fois (grâce au DVD) laisse des traces. Ils savent que la pollution, par exemple, a des conséquences sur la fonte de la calotte glaciaire qui a «emprisonné» (logique) la famille de Mambo. Et que ce morceau qu'ils entendent parfois à la radio est «la chanson de Happy Feet» (ou de Prince, c'est selon).

Je ne sais pas, en revanche, s'ils diraient, comme des commentateurs de Fox Business, une chaîne spécialisée des États-Unis, que les Muppets sont des instruments de propagande de la gauche hollywoodienne, qui en veulent au grand capital, à l'économie de marché et à l'entreprenariat. Et qui endoctrinent pernicieusement les jeunes pour en faire de futurs Che Guevara.

La preuve que Kermit et ses amis sont des communistes? Le méchant de leurs plus récentes aventures - joyeusement décalées; «quatre étoiles», selon mon plus grand - s'appelle Tex Richman. Il veut détruire les mythiques studios des Muppets parce qu'il croit qu'il y a des gisements de pétrole dans le sous-sol. Ce qui a fait dire à Dan Gainor, du très conservateur Media Research Center, que The Muppets, produit par Disney, est un pamphlet anticapitaliste qui veut ternir l'image de l'industrie pétrolière américaine. Pas de farce.

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