Avec ce dixième long métrage, le réalisateur de L'auberge espagnole s'engage dans une comédie sociale à forte teneur politique. Une nécessité à notre époque.

Cédric Klapisch n'est pas Ken Loach ni Mike Leigh. N'empêche qu'avec Ma part du gâteau, lancé au festival Cinemania avant de prendre l'affiche en salle vendredi prochain, le réalisateur françaisaborde de front des thématiques sociales, arpentant des territoires plus rarement explorés dans le cinéma français.

«C'est un choix délibéré, explique l'auteur cinéaste au cours d'un entretien téléphonique accordé à La Presse quelques jours avant son arrivée à Montréal. On peut aussi penser au cinéma de Chaplin et de Capra, mais il est certain que les Anglais sont très forts sur ce terrain-là. Et j'aime cette idée de fabriquer de la comédie à partir d'une situation sociale. À une certaine époque, les Italiens proposaient beaucoup de films de ce genre.»

Ma part du gâteau, dont Klapisch a écrit seul le scénario, est né d'une nécessité. Celle de faire écho à une révolte populaire dont les jalons furent posés lors de la crise financière de 2008.

«En lisant les journaux ou en regardant les nouvelles à la télé, j'avais carrément l'impression que rien n'était vraiment en phase avec le malaise que je ressentais, soutient-il. Il se trouve qu'aujourd'hui, on assiste à un mouvement des «indignés» partout dans le monde, avec tous ces gens qui manifestent dans les rues. Nous sommes dans une période de révolte parce qu'on s'aperçoit que quelque chose est en train de se passer à notre insu. Et nous n'avons d'autre choix que de réagir.

«La crise de 2008 constituait la partie visible de l'iceberg, poursuit-il. Là, on vit le vrai truc. Et on se rend compte que le grand ennemi est virtuel. Qu'il n'est personne. Les forces qui gouvernent le monde n'ont plus d'incarnation humaine. Un peu comme si l'ordinateur de 2001: L'odyssée de l'espace avait complètement perdu le contrôle. Ça fait beaucoup de dégâts.»

Une vieille figure

Pour évoquer le drame que vivent les gens de la classe moyenne dans le monde occidental, Cédric Klapisch a utilisé la «vieille figure» (c'est son expression) de la servante et du maître. Karin Viard prête ainsi ses traits à France, ouvrière de Dunkerque, mère de trois enfants, condamnée au chômage après la fermeture d'une usine où elle a trimé dur pratiquement toute sa vie.

Aucune perspective d'emploi n'étant envisageable dans son patelin, elle part suivre un stage à Paris afin de pouvoir faire des travaux ménagers dans des résidences. Elle aboutit chez Steve (Gilles Lellouche), riche courtier qui partage sa vie entre Londres et Paris. Et dont le mode de vie, très luxueux, lui est complètement étranger.

«Le monde est devenu binaire, commente Cédric Klapisch. D'où cette figure du 99% de gens ordinaires contre le 1% de gens au-dessus. Comme une toute nouvelle lutte des classes, en fait. En écrivant le scénario, j'ai pensé qu'il était possible de fabriquer de la comédie en faisant de deux personnes dans un appartement le symbole du monde entier et de l'époque dans laquelle on vit!»

Même si Ma part du gâteau est né d'un sentiment de révolte et d'injustice, Cédric Klapisch affirme rester «bêtement optimiste».

«L'être humain a dû traverser bien des épreuves au fil de son histoire et il a toujours survécu, fait-il remarquer. À force, on s'éloigne toujours un peu plus de la barbarie, même si cette barbarie semble vouloir revenir. On ne se rend peut-être pas compte à quel point notre mode de vie a changé depuis 10 ans. Ne serait-ce que par l'apport de l'internet, des téléphones intelligents et de tous les éléments virtuels dont nous dépendons maintenant. Nous vivons une époque très forte, je crois.»

Vive la discussion!

Sorti le printemps dernier en France, où il a attiré près d'un million de spectateurs, Ma part du gâteau a suscité sa bonne part de discussions.

«C'est tout à fait normal avec un sujet social, presque politique, dit l'auteur cinéaste. L'idée était d'ailleurs de faire de la politique de façon plus drôle. Le film a été adoré et détesté à la fois. Il a en outre suscité beaucoup de débats. Cela m'a ravi. Le dénouement du film a été conçu pour provoquer un questionnement plutôt que d'offrir des réponses. Éveiller les gens grâce au débat et au dialogue, cela me plaît bien!»

Outre la présentation de Ma part du gâteau, Cinemania propose, avec le concours de la Cinémathèque québécoise, trois longs métrages plus anciens de Cédric Klapisch. Le péril jeune, le film pour lequel il a le plus d'affection, a été projeté hier; Un air de famille sera présenté aujourd'hui à 18h15 à la Cinémathèque québécoise, et Ni pour ni contre (bien au contraire), demain à 18h30, toujours à la Cinémathèque.

Signalons enfin que Cédric Klapisch offrira une leçon de cinéma demain à 15h30 au cinéma Impérial.

Ma part du gâteau est présenté à Cinémania aujourd'hui à 19h15 et lundi à 9h30 au cinéma Impérial. En salle le 11 novembre.