Le ministre de la Justice du Québec, Jean-Marc Fournier, a mis le gouvernement Harper en garde hier matin: s'il adopte tel quel le projet de loi omnibus sur la justice criminelle (C-10), le Québec ne paiera tout simplement pas la note.

Mais Ottawa ne semble pas près de céder à ses demandes: le ministre fédéral de la Justice, Rob Nicholson, n'a toujours pas donné suite à l'invitation lancée il y a un mois par son homologue provincial de le rencontrer pour discuter de leurs divergences d'opinions.

Ainsi, dans une déclaration d'une rare virulence au cours de son témoignage devant un comité parlementaire de la justice à Ottawa, hier, le ministre Fournier a vivement critiqué l'approche mise de l'avant par le fédéral, dans le domaine des jeunes contrevenants, entre autres.

Accompagné par des représentants de divers regroupements, dont le Barreau du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales et la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, il a affirmé que le gouvernement Harper n'avait toujours pas fourni les explications scientifiques justifiant ce durcissement de la justice criminelle qu'il préconise depuis son arrivée au pouvoir.

«Vous avez le fardeau de soutenir vos propositions au moyen d'études et d'analyses sérieuses», a-t-il exhorté.

Projet fourre-tout

Le projet de loi omnibus C-10 regroupe plusieurs projets que le gouvernement Harper n'a pu faire adopter alors qu'il était minoritaire. Il prévoit entre autres des peines de prison plus sévères à l'endroit des mineurs et des trafiquants de drogue. On souhaite aussi rendre plus difficile le rapatriement de Canadiens emprisonnés à l'étranger.

Durant la dernière campagne électorale, le Parti conservateur avait promis d'adopter le projet de loi dans les 100 premiers jours suivant le début des travaux parlementaires.

Mais le ministre Fournier a fait valoir que l'approche punitive mise de l'avant par Ottawa allait à l'encontre de celle du Québec, davantage axée sur la réhabilitation. «C'est comme une plaie infectée sur laquelle vous mettez un pansement, a-t-il déclaré. Ça ne guérit pas, un pansement! Ça cache. Mais arrive un moment où on l'enlève le pansement et la plaie est infectée encore plus. Qu'est-ce qu'on fait?»

Quant au coût qu'engendrerait le projet de loi C-10, il a admis que son gouvernement n'avait pas fait d'«évaluation fine», mais celui-ci atteindrait facilement les centaines de millions de dollars. «On s'en va dans une spirale d'emprisonnement, une spirale de procédures et il va y avoir des coûts additionnels», a-t-il dénoncé.

Si une réflexion plus profonde n'est pas engagée sur le bien-fondé des mesures proposées, Québec refusera d'assumer ces coûts supplémentaires, a-t-il martelé. «On ne les paiera pas! Je ne sais pas si c'est assez clair? On ne les paiera pas!»

Le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, a lui aussi déclaré hier qu'il n'entendait pas assumer les frais de la réforme fédérale. «S'il y a des nouveaux coûts associés à ces lois qui doivent être supportés par les contribuables de la province de l'Ontario, alors je m'attends à ce que le fédéral paie la note», a-t-il déclaré au cours d'une visite à Ottawa.