Le programme annonçait un «film-surprise». Lundi soir, les spectateurs réunis au Avery Fisher Hall du Lincoln Center à New York, où se tient présentement un important festival de cinéma, ont eu droit à un immense privilège. Martin Scorsese est en effet monté sur scène pour leur présenter une version de travail, forcément incomplète, de Hugo, une adaptation du roman Hugo Cabret, de Brian Selznik.

En plus de marquer la première incursion du vénéré cinéaste sur le territoire du film destiné à toute la famille, Hugo, à l'affiche le 23 novembre, est aussi son premier long métrage «en relief». L'accueil fut si chaleureux qu'il s'en trouve maintenant pour affirmer que le réalisateur de Raging Bull pourrait bien avoir «sauvé la 3D» grâce à ce film qui raconte les aventures fantastiques et mystérieuses d'un petit orphelin dans le Paris des années 30.

Deux ans après la sortie d'Avatar, qui avait relancé cette «vieille» technologie de façon grandiose, la 3D est aujourd'hui en mal de respectabilité. Faute de produits de qualité. Les grands studios hollywoodiens ayant flairé la bonne affaire (on peut vendre plus cher les billets d'entrée), ils se sont empressés de mettre de la 3D à toutes les sauces. Bon nombre de productions n'ayant pas été conçues en relief ont ainsi été gratifiées d'effets ajoutés à la dernière minute à l'étape de la postproduction. Le public aime la 3D? On va lui en donner. Quitte à lui offrir du toc.

Or, ce public n'est pas dupe. Il sait faire la distinction entre une production véritablement conçue pour être tournée en 3D et une autre à laquelle les effets ont été greffés artificiellement dans le simple but de générer plus de fric au box-office.

Avatar reste la figure emblématique d'une production où la 3D est partie prenante du processus créatif. À l'opposé, Clash of the Titans porte encore les stigmates de la honte mercantile.

De grands noms

«Il est très facile de savoir si une production 3D est de bonne qualité, faisait remarquer l'actrice Milla Jovovich la semaine dernière lors d'une rencontre de presse tenue à Londres à l'occasion de la sortie prochaine de The Three Musketeers 3D. Tu ne sors pas d'un bon film en 3D avec une migraine. Quand c'est mal fait, si!»

Ici, la relation de cause à effet est peut-être un peu vite conclue, mais il est vrai que les productions dans lesquelles la technologie 3D est mise au service d'une véritable démarche artistique sont de loin supérieures. Des cinéastes de renom s'y sont maintenant mis.

Wim Wenders, dont le très beau document Pina, tourné en 3D, est présenté encore aujourd'hui dans le cadre du FNC, affirme depuis des mois sa profession de foi envers cette technologie. Il exprime aussi sur toutes les tribunes sa volonté de ne pas revenir en arrière. Son compatriote Werner Herzog a aussi utilisé la 3D pour son documentaire Cave of Forgotten Dreams, tout comme Francis Coppola pour Twixt.

Steven Spielberg, qui lancera Les Aventures de Tintin: Le secret de la Licorne à Bruxelles et à Paris samedi prochain, s'est aussi mis de la partie. Les échos venus de journalistes européens font état d'une grande réussite technologique.

Au Festival de Cannes, Bernardo Bertolucci avait aussi annoncé le tournage en 3D de l'adaptation de Moi et toi, un roman intimiste de Niccolo Ammaniti. «J'ai été subjugué par Avatar et je me suis dit qu'il serait bien que cette technologie soit aussi mise à profit pour d'autres genres de films, avait alors déclaré le cinéaste. Si Fellini avait pu tourner ses films en 3D, cela aurait été extraordinaire!»

Effet de ressac

Or, nous avons appris cette semaine que le réalisateur du Dernier tango à Paris revirait complètement son capot de bord. Devant une assemblée d'étudiants à Rome, le cinéaste a déclaré que la 3D était «onéreuse et vulgairement commerciale». Et qu'il n'était finalement pas question qu'il en use pour son prochain film.

La sortie de Bertolucci mise à part, il est assez fascinant de constater que la survie de la 3D semble désormais reposer sur les épaules des meilleurs cinéastes du moment. Du plus populaire au plus pointu. Cela dit, la filière des auteurs n'est pas automatiquement garante de succès artistique à cet égard non plus. Sur la Croisette, au printemps dernier, les festivaliers cannois se demandaient pourquoi diable on leur avait fait porter des lunettes 3D pendant plus de deux heures lors de la projection du soporifique Hara-kiri de Takeshi Miike (présenté la semaine prochaine au FNC).

Mis à part une scène avec de véritables images en relief, la 3D n'a pratiquement été utilisée que pour mettre en valeur le générique et les sous-titres.

La désaffection du public envers certains films en 3D s'explique en partie par un effet de ressac. Quand le produit n'est pas à la hauteur, peu importe sa provenance, il n'y a tout simplement pas de miracle. Même en relief. Auteurs à la rescousse!

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