Lorsqu'il est arrivé au Québec en février, à quelques jours du début du tournage de Laurence Anyways, Melvil Poupaud a eu droit à un accueil particulier. On l'a rasé, épilé de la tête aux pieds, puis on lui a offert un manteau d'hiver pour qu'il s'acclimate au froid. Bienvenue au Québec!

«Ça fait partie du rôle de vivre ce genre d'expérience. C'était nécessaire», dit-il, philosophe. Au départ, l'acteur fétiche de Raoul Ruiz devait avoir un plus petit rôle dans Laurence Anyways. Celui d'une femme qui se transforme en homme. Mais lorsque Louis Garrel - que Xavier Dolan avait pressenti pour incarner Laurence - s'est désisté au dernier moment, Poupaud l'a remplacé au pied levé.

«Comme je connaissais déjà le scénario et que je trouvais que c'était un rôle génial, j'ai tout de suite accepté la proposition, dit-il. Je me sentais en confiance. C'est un rôle exceptionnel, avec une énorme palette de choses à jouer.»

Le comédien français n'avait pas vu les deux premiers films de Dolan avant d'accepter sa proposition, mais il avait été impressionné par l'artiste. «Je l'ai croisé trois fois en un an, à Cannes, à Lyon, à Paris. On a échangé quelques mots. Et j'ai su que je m'entendrais bien avec lui. Il est très sûr de lui, très directif et précis. Il sait aussi prendre des risques.»

Pour cet acteur qui a commencé au cinéma à 10 ans, il s'agissait, selon sa propre expression, d'un rôle presque prédestiné. Sa mère, Chantal Poupaud, a tourné l'an dernier un documentaire, Crossdresser, sur des hétérosexuels travestis, dont il a fait le montage.

Suzanne Clément, complice de Dolan

«Melvil, c'est l'antithèse d'une diva», dit Suzanne Clément, qui joue sa femme dans le film. Le rôle a été écrit sur mesure pour elle par son ami Xavier Dolan, il y a déjà quelques années. «C'est très flatteur. J'ai mis du temps à comprendre ce que ça signifiait qu'il l'ait écrit pour moi.»

Le projet, d'abord reporté (ce qui a précipité le tournage des Amours imaginaires) a évolué, mûri, comme leur amitié. «Xavier est quelqu'un qui évolue vite, dit-elle. Il évolue vite aussi comme réalisateur, comme artiste. Rien n'est figé avec lui. C'est pour ça que c'est si intéressant de travailler avec lui. Il a un aplomb incroyable. Il sait tellement ce qu'il veut. Parfois trop même!»