C'est l'histoire (qu'on est tenté de qualifier de banale) d'un mari qui a quitté sa femme et ses enfants, il y a 20 ans. Un soir de retrouvailles, il annonce qu'il est de nouveau en couple et que sa conjointe - âgée de 30 ans - attend un enfant. Effet domino saisissant! Blessures rouvertes, larmes et règlements de compte s'ensuivent. Mais qui a raison et qui a tort dans cette crise? Voilà des thèmes qu'explore le réalisateur Jean-Philippe Pearson.

Le bonheur sied bien à Jean-Philippe Pearson. Homme souriant et affable, ce père de deux enfants passe sa vie entre Montréal et Florence, ville d'origine de sa conjointe. En entrevue, il a le verbe facile. Et l'oeil pétillant du gamin qui vient de réaliser un mauvais coup.

Un sentiment qui se reflétait dans les films Québec-Montréal et Horloge biologique, qu'il a coscénarisés avec ses amis Patrice Robitaille et Ricardo Trogi. Mais pour Le bonheur des autres, Pearson a pris le volant seul. Il en signe le scénario et la réalisation.

«Tout est de ma faute!», lance-t-il en riant au début de l'entrevue. «Je proviens d'une famille qui a vécu un divorce, alors je savais un peu plus ce que ça impliquait.»

D'aucuns verront dans Le bonheur des autres une suite logique aux deux oeuvres précédentes tant les thèmes abordés y sont contigus: les relations hommes-femmes, les enfants, la famille, la séparation.

Dans son film, Pearson explore ces thèmes en adoptant un angle original. Car ici, la jalousie, la colère, la peine et toute une avalanche de mauvais sentiments frappent soudainement plusieurs membres d'une même famille devant le bonheur soudain de l'un d'eux.

L'heureux élu, si l'on peut dire, est Jean-Pierre (Michel Barrette). Homme proche de la retraite, Jean-Pierre a quitté sa femme Louise (Louise Portal) et ses enfants Sylvain (Marc-André Grondin) et Marion (Ève Duranceau), il y a 20 ans. Un soir, à l'occasion du souper d'anniversaire de Sylvain, Jean-Pierre annonce qu'il a trouvé l'amour auprès d'Évelyne (Julie Le Breton), femme beaucoup plus jeune que lui, et qu'ils attendent un enfant. L'annonce soulève tant la colère de Marion, qui cherche à tomber enceinte, que de Sylvain, qui pleure sa relation père-fils ratée, et de Louise, qui cultive la vacuité de sa propre existence.

Entre Jean-Pierre, son ex-femme et ses enfants, l'heure du règlement de comptes est venue. Et la balance ne penchera pas d'un seul côté, le réalisateur s'employant à faire comprendre que les choses ne sont pas si simples qu'elles en ont l'air et que chacun a des arguments fort valables à défendre.

Malaises légitimes?

Tout tient dans le fait que la situation se déroule au sein d'un groupe de gens liés par le sang. «Si tu es satisfait de ton existence, tu peux te réjouir du bonheur des autres, croit Jean-Philippe Pearson, réalisateur. Mais si tu es dans une période où ça va plutôt mal, ce bonheur peut avoir un aspect irritant. Il te confronte à ton propre niveau de satisfaction. Mais qu'en est-il lorsque ça implique ton conjoint ou une personne de ta famille? Je crois qu'il y a alors malaise à ne pas se réjouir pleinement du bonheur des autres. Dans mon film, Jean-Pierre a des torts, mais ce n'est pas pour autant le méchant de l'histoire. Lorsque son fils lui reproche de ne pas avoir été là pour lui, il donne sa version. Et ce que l'un et l'autre disent a du sens.»

Si les confrontations sont nombreuses et orageuses tout au long du récit, celui-ci prend d'autres tournures, plutôt hilarantes, à certains moments. Volontaires, ces ruptures de ton rappellent que des états d'âme qui perdurent depuis des lustres peuvent changer lorsqu'on aborde sa propre vie avec un souffle nouveau.

Mais que ce soit dans le drame ou la comédie, Jean-Philippe Pearson a voulu garder la main serrée sur son scénario afin qu'il ne dérape pas dans le burlesque.

«L'important était de rester crédible, dit-il. Il fallait que les propositions, même un peu hors-normes, restent dans un ensemble où l'on croit à l'histoire et aux personnages. Je n'avais pas envie de jeter de l'ombre sur le jeu des acteurs. À la base, le jeu et les dialogues étaient les ingrédients de base.»

Le bonheur des autres prend l'affiche le 7 octobre.