Deux heures après la toute première projection de Marécages samedi à la Sala Darsena (où avait eu lieu celle de Café de Flore la veille), le réalisateur Guy Édoin, la vedette du film, Pascale Bussières, et la productrice Félize Frappier étaient encore époustouflés.

«On ne s'attendait vraiment pas à ça! résume Édoin en se pinçant presque lors d'une rencontre organisée par Téléfilm Canada pour les artisans de films canadiens sélectionnés à la Mostra. Mille personnes nous ont ovationnés pendant de longues minutes. Nous en étions gênés. Sur la scène, on ne savait même plus où se placer. Très franchement, j'en ai pleuré!»

Guy Édoin s'était déjà fait remarquer grâce à une trilogie de courts métrages (Le pont, Les eaux mortes, La battue). Marécages, son premier long métrage tourné sur la ferme de ses parents à Saint-Armand, fait partie des sept longs métrages sélectionnés à la Semaine internationale de la critique, une section parallèle de la Mostra de Venise consacrée aux premiers films.

«Marécages n'a rien d'autobiographique, mais je me suis quand même inspiré de ce que je connais pour élaborer ce film, anecdotes ou drames vécus, explique l'auteur cinéaste. Robert Lepage a dit un jour qu'il fallait partir du personnel pour aller vers l'universel et ça m'est toujours resté. Visiblement, le public de Venise, réputé intransigeant et difficile, a été touché. Depuis que nous sommes arrivés ici, c'est complètement surréaliste! Cet accueil est aussi inespéré qu'inattendu. Je ne pourrais demander mieux.»

Marécages est pourtant un film très dur. Avec pour décor une ferme laitière destinée à la faillite, le récit décrit le parcours d'un adolescent (Gabriel Maillé) devenu le souffre-douleur de ses parents (Pascale Bussières et Luc Picard) depuis un drame survenu il y a quelques années.

Hésitation

Le personnage de la mère est d'ailleurs si dur que Pascale Bussières, qu'il fait bon revoir au grand écran, a un peu hésité avant de plonger dans le rôle.

«J'ai adoré le scénario à la lecture, mais mon instinct maternel faisait en sorte que je n'avais pas envie d'aller explorer ces zones-là, confie l'actrice. Cela dit, j'avais eu l'occasion de voir La battue lorsque je faisais partie du jury du festival Regard sur le court métrage au Saguenay. Il y avait déjà là un univers fort, très défini. C'est très rare. Après avoir lu le scénario de Marécages, j'ai rencontré Guy et je suis tombée sous son charme. Il n'a pas eu à travailler fort pour me convaincre. À mes yeux, cette histoire dépasse son contexte rural très réaliste auquel il faut faire écho avec les gestes du quotidien pour atteindre une autre dimension. C'est une tragédie grecque, à vrai dire!»

Il est vrai qu'Édoin propose ici une vision de la vie rurale dénuée de tout accent folklorique. La caméra de Serge Desrosiers sert magnifiquement un récit qui, très vite, se concentre sur les difficultés entre une mère coincée dans sa douleur et un fils mal aimé.

Résolument campé dans la frange plus pointue du cinéma d'auteur québécois, Marécages (qui sortira au Québec le 14 octobre) est déjà promis à une belle carrière festivalière. Il ouvrira notamment la section Canada First du Festival de Toronto la semaine prochaine.

Sigur R-s vu par un Montréalais

En fin de soirée samedi, Venise a vibré au son du groupe Sigur R-s alors qu'était lancé Inni, document musical réalisé par le Montréalais Vincent Morisset. Sélectionné par Venice Days, le programme où figure Café de Flore (un film dans lequel on peut aussi entendre quelques pièces du groupe), Inni fera l'objet d'une présentation unique sur grand écran à Montréal (au Théâtre National le 27 septembre). Le document sera aussi inclus dans le Blu-ray d'une captation de spectacle que le groupe islandais compte mettre en marché en novembre.

«J'ai rencontré les membres de Sigur R-s il y a trois ans à Montréal, alors que je venais de réaliser Miroir noir avec Arcade Fire, explique Morisset. Quelques semaines plus tard, il y a eu des rumeurs à propos d'une pause d'une durée indéterminée, peut-être même définitive, pour le groupe. J'ai alors senti l'urgence. Et ils m'ont fait confiance.»

La projection spéciale d'Inni à Montréal, ouverte au public, sera organisée par Phi Group.