Selon les sondeurs, le Parti québécois en serait arrivé «au seuil de la marginalisation» et le parti-en-gestation de François Legault aurait suffisamment d'intentions de vote pour former un éventuel gouvernement majoritaire. Voilà bien la politique-fiction à son meilleur! Dans l'univers merveilleux des philosophes de salon, les scrutins se déroulent confortablement, dans un monde virtuel, au rythme de sondages savamment analysés par une cohorte d'observateurs médiatiques et autres, au gré de rumeurs, déclarations et communiqués lancés comme tant de ballons d'essai. Des visions de gouvernements élus ou défaits. Les appuis à la souveraineté décortiqués de semaine en semaine, en vue d'un théorique référendum. Des chefs de parti placés et déplacés sur les échiquiers d'alliances. Pour ceux qui «mangent» du politique, c'est évidemment la manne. Pour les autres, c'est l'indigestion. Il ne s'agit pas ici de condamner le foisonnement d'idées et d'opinions qui accompagnent et nourrissent le débat sur l'avenir du Québec, tant chez les souverainistes que chez les fédéralistes et les «entre-les-deux», mais plutôt de déplorer qu'il semble de plus en plus déconnecté de la réalité quotidienne des gens. La réalité, après tout, c'est que Jean Charest a été élu et qu'il gouvernera probablement jusqu'en 2012. Que Pauline Marois et le Parti québécois forment l'opposition officielle. Et que ces deux partis, sauf pour le hoquet adéquiste de 2006, dominent la scène politique du Québec depuis près de 40 ans. La réalité, c'est aussi que le taux de participation des citoyens aux élections, fédérales comme provinciales, est appréciablement à la baisse. Aux élections de 1994, au Québec, 82% des électeurs avaient voté. En 2008, seulement 57,4%! Au seul sondage qui comptait vraiment en 2008, plus de deux électeurs sur cinq sont restés chez eux! C'est dans ce terreau que les décisions, les vraies, se prendront. Les grands débats ne rejoignent que ceux qui y participent ou qui en sont informés. Pour que les opinions changent, pour que les citoyens participent, il faut un engagement qui dépasse les messages sur Twitter. Pensez à la vie du regretté Jack Layton. L'ancienne militante indépendantiste des années 1960, Andrée Ferretti, demandait récemment à ceux qui voudraient se défaire du PQ et tout recommencer s'ils avaient déjà organisé des assemblées de cuisine, distribué des tracts aux portes des usines ou participé à des manifestations. La question était pertinente. À certains moments, dans l'histoire d'un peuple, l'heure de grandes décisions se pointe. Peut-être cette heure approche-t-elle pour ceux qui cherchent à repositionner les forces du changement sur le damier politique québécois, et pour ceux qui les opposeront. Le débat actuel semble le suggérer. Si tel est le cas, le temps est venu de ranger les pantoufles et de sortir les souliers de marche. L'élection se gagne sur le terrain, pas dans les médias et les sondages.