L'entourage de Nicolas Sarkozy craignait le pire. Sa cote de popularité auprès de l'électorat français était au plus bas depuis son élection en 2007. Les pires rumeurs circulaient à propos de La conquête, long métrage de fiction sur l'ascension au pouvoir du président français.

Au tout dernier moment, en mai, la sortie française du film de Xavier Durringer - dont tout le monde parlait mais que personne n'avait vu - a été éclipsée par la nouvelle de «l'affaire DSK», autrement plus sordide. Le gars des vues n'aurait pas arrangé les choses différemment.

La conquête prend l'affiche vendredi au Québec, après sa présentation dans le cadre du Festival des films du monde. Une fiction qui, au final, loin d'être le brûlot antisarkoziste que la droite française craignait, épargne plutôt le chef d'État. À preuve, la cote de popularité du président français a connu une légère embellie au cours de l'été.

J'oserais même dire que La conquête humanise d'une certaine manière Nicolas Sarkozy, en laissant entrevoir derrière le politicien pugnace et intransigeant, aux ambitions clairement affichées, un homme vulnérable. Un politicien de carrière qui finit par gagner les élections dont il a rêvé toute sa vie, mais qui perd sa femme, Cecilia, la veille même de sa victoire.

Le film commence d'ailleurs le 6 mai 2007, jour de l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence, alors qu'il cherche désespérément à joindre sa femme. La thèse - si l'on peut en dégager une - de La conquête, veut que l'ex-épouse du président ait pratiquement été la seule stratège des succès professionnels de son mari, désemparé sur tous les plans sans elle.

C'était du jamais vu en France, plutôt conservatrice en la matière. Une fiction «inspirée de personnages et de faits réels» dans le monde politique, autour d'un président toujours en fonction. L'accueil médiatique a été tiède. La presse française a regretté que le film ne lui dévoile rien qu'elle ne sache déjà, et reproché à son réalisateur son absence de point de vue. Les journalistes, en revanche, ont trouvé le portrait du président de la République brossé par Xavier Durringer assez crédible.

Il faut dire que Nicolas Sarkozy est interprété avec un zèle hors du commun et une mimique confondante par Denis Podalydès. Cet acteur exceptionnel, «sociétaire» de la Comédie-Française, réussit malgré son peu de ressemblance physique avec le président français à nous faire oublier qu'il n'est pas lui-même la star médiatique, le fin renard politique, le stratège calculateur, orageux et sans merci qui dirige depuis quatre ans la France.

On a l'impression, malgré tout, que La conquête flirte dangereusement avec la caricature. Le principal écueil d'une telle entreprise n'a pas été complètement évité. Les personnages par ailleurs truculents de Jacques Chirac (Bernard Le Coq), d'une froideur glaciale, et de Dominique de Villepin (Samuel Labarthe), d'une mesquinerie méprisable, ont parfois l'air de marionnettes format nature des Guignols de l'info, multipliant les vacheries sur le compte de Nicolas Sarkozy.

En entendant Chirac et de Villepin traiter leur adversaire de «gesticulateur précoce», de «nabot», de «petit salopard» et de «nain (qui) va nous faire une France à sa taille», on se demande si le scénariste Patrick Rotman, historien politique et auteur d'un documentaire sur Jacques Chirac, dit vrai lorsqu'il prétend que le film est «juste à 99% sur le plan politique». Si c'est le cas, on doit s'amuser ferme en politique française...

La conquête, justement grâce à ces répliques assassines, reste une comédie dramatique fort efficace et divertissante. Ce qui n'en fait pas pour autant un grand film politique, ni d'ailleurs un grand film de cinéma (sa facture rappelle davantage le téléfilm). Il reste qu'on se plaît à découvrir les jeux de coulisses de l'Élysée, les intrigues sentimentales du président de la République française et le regard caustique de Xavier Durringer sur les médias hexagonaux.

Et si certaines références peuvent sembler trop franco-françaises pour le public québécois, on peut aussi savourer La conquête en se disant qu'avec la matière riche que nous offre depuis quelques mois la politique québécoise, il y aurait amplement, ici aussi, de quoi inspirer une tragique comédie.

Des femmes et des dieux

Pour l'amour de Dieu de Micheline Lanctôt, à l'affiche depuis hier, est peut-être le film le plus abouti de la cinéaste de Sonatine et du Piège d'Issoudun. Inspiré d'un épisode autobiographique de son enfance - un coup de foudre pour un jeune père dominicain -, le long métrage raconte la liaison interdite entre un prêtre et une religieuse, sous le regard d'une fillette de 11 ans, tiraillée entre son attirance pour l'un et son amitié pour l'autre.

Il s'agit sans doute, sur le plan formel, du plus beau des longs métrages de Micheline Lanctôt. Sa réalisation n'a jamais été plus fluide, sa mise en scène aussi sertie de fines trouvailles, comme cette scène de va-et-vient dans une balançoire, poétique, cristallisant le désir dans une évocation subtilement érotique du rapport amoureux.

Avec grande finesse, sans complaisance, Micheline Lanctôt propose une rare incursion dans l'intimité de ceux qui font voeu de chasteté. Elle a su dépeindre ces personnages particuliers, avec dignité et respect, dans leur plus simple humanité. Hommes et femmes qui doutent, s'aiment, se désirent, aspirent au bonheur. On sent parfois la thèse dans certaines répliques, l'épilogue peut sembler superflu: ces imperfections ne rendent Pour l'amour de Dieu que plus intéressant.

Pour joindre notre chroniqueur: mcassivi@lapresse.ca