Dans Le vent du Wyoming (1994), elle a lévité. Dans Les États-Unis d'Albert (2004), elle s'est métamorphosée en asthmatique à l'accent latino, alors que dans Je me souviens (2009), elle jouait une vamp abitibienne des années 50. Céline Bonnier adhère avec plaisir et audace à l'exubérance poétique du plus singulier des réalisateurs québécois, dont le dernier film Coteau Rouge ouvre le Festival des films du monde.

«Comme je viens du milieu du théâtre, j'ai senti dès le début - dans Le Vent du Wyoming, en 1994 - que ce rapport au réel, cette poésie, n'étaient pas très loin de moi», exprime la blonde actrice, lors d'un entretien matinal dans un café du boulevard Saint-Laurent, non loin du Théâtre La Chapelle, où elle a passé l'été à répéter pour Hello, How are you? , sa collaboration avec Clara Furey. Un an après le tournage de ce film sur l'obsession de l'image qui dépeint un prospère couple de la Rive-Sud, Bonnier visionnera pour la première fois Coteau Rouge lors de la soirée d'ouverture du FFM. En attendant, elle est peu avare de détails sur la plus récente proposition du cinéaste de L'eau chaude, l'eau frette, qui a habitué son public aux fantaisies les plus audacieuses, voire carrément étranges.

«J'essaie de voir ce que je peux dire et ce que je ne peux pas dire», hésite Céline Bonnier, qui confie s'être glissée un peu intuitivement dans la peau d'une femme qui demande à sa mère de porter l'enfant qu'elle et son mari (Roy Dupuis) souhaitent avoir. «Elle ne veut pas être enceinte, parce qu'elle ne veut pas abîmer son corps. C'est un film sur le mensonge qu'on entretient par rapport à soi et par rapport aux autres, sur ce que cela apporte comme complexité et complications.»

Sinon, on apprendra que Coteau Rouge est un quartier de Longueuil, où réside André Forcier. Tout le film a été tourné dans cette ville. Et encore une fois, Bonnier est jumelée à l'écran avec Roy Dupuis. Y verra-t-on une dernière collaboration artistique entre les deux illustres «ex.» «Non, je ne pense pas, pourquoi?», lâche la comédienne, convaincue que la fin du couple qu'elle formait avec Roy Dupuis n'influence en rien leur habileté à travailler ensemble.

Champ gauche, champ libre

Selon Céline Bonnier, «Forcier a fait l'histoire du cinéma d'ici et s'est inscrit d'une façon poétique dans l'art cinématographique du Québec», dit la comédienne, qui relève les prestations de Jean Lapointe (dans L'eau chaude, l'eau frette) et le délire extatique de France Castel (Une histoire inventée) comme temps fort du parcours d'un cinéaste à la fois hors norme et influent.

«Ce que je trouve beau, de Forcier, c'est sa recherche de précision dans le dialogue. Il n'écrit pas «à peu près» et vérifie tout. Pour le personnage de la petite fille qui refusait de parler, dans Je me souviens, il s'est informé à savoir si des cas semblables existent vraiment dans la vraie vie, si cette condition a un nom, etc. Même chose pour ses références historiques aux années 1950. À partir du «vrai», du vérifiable, il crée une poésie et une sorte de légende.»

La liberté débridée de Forcier, est-elle persuadée, a influencé la création de plusieurs «héritiers artistiques» du cinéaste qui tourne depuis presque 40 ans. «Forcier a fait des petits. Sa façon d'aller loin dans ses propositions donne de la liberté aux autres. C'est pour ça qu'il est important de subventionner de tels projets. Parce que parfois, pas toujours, les choses particulières, qu'on n'a pas vues encore, que l'on ne connaît pas, peuvent devenir des oeuvres importantes.»