Même s'il a développé des liens féconds avec quelques-uns des meilleurs cinéastes de notre époque, Brad Pitt estime déterminante sa rencontre avec Terence Malick. Au point où sa façon de concevoir le métier d'acteur n'est plus pareille.

Au Festival de Cannes, Brad Pitt semblait être un peu seul. Terrence Malick refusant toute apparition publique, et Sean Penn n'étant apparemment pas très heureux d'avoir vu son rôle être considérablement réduit au montage, Pitt fut la seule vedette de renom à défendre The Tree of Life devant les caméras du monde entier.

Il ne s'est pas fait prier, remarquez. Au lendemain de la présentation du film, lors d'une rencontre à laquelle La Presse fut invitée, Brad Pitt, aussi producteur, ne cachait pas sa joie.

«C'est un peu étrange, dit-il. En voyant le film hier soir dans ces conditions exceptionnelles, j'ai ressenti comme une grande paix intérieure face à l'inconnu. Comme une acceptation.»

Plus qu'un film ambitieux réalisé par l'un des cinéastes contemporains les plus prisés des cinéphiles, The Tree of Life constitue un point tournant dans la vie professionnelle de Brad Pitt.

«Même si le personnage que j'incarne dans ce film fait partie de ceux qu'on appelle les gens «ordinaires», il n'en est pas moins complexe pour autant. Il me ramène inévitablement dans l'environnement dans lequel j'ai grandi. Mon propre père n'a jamais été violent comme celui que j'interprète dans ce film, cela dit. Mais il était quand même le produit de son époque. La maturité aidant, je tends à choisir désormais des rôles plus liés à ma vie, ou en tout cas plus pertinents. Et qui nous révèlent quelque chose du monde.»

Science, nature, et spiritualité

The Tree of Life est un conte philosophique où s'entrecroisent l'infiniment petit et l'immensément grand. Les drames vécus par une famille texane des années 50 d'un côté; la création de l'univers de l'autre. Et le parcours d'un homme d'aujourd'hui se débattant avec ses propres démons comme point de convergence. À partir des souvenirs d'enfance de Jack O'Brien (interprété par Sean Penn à l'âge adulte), dont l'enfance s'est déroulée sous l'emprise d'un père aimant mais autoritaire et colérique (Brad Pitt), se déploient les origines du monde. Le big bang et une petite cellule familiale s'entrechoquent. Et s'inscrivent dans le cosmos dans un grand cycle infini.

«Dans l'univers de Terrence, la science et la nature sont intimement liées, précise Brad Pitt. La spiritualité aussi. Il évoque la propension de l'homme à s'autodétruire mais aussi à se reconstruire. J'ai eu le plaisir de discuter avec lui de questions très profondes, que j'aborderais probablement plus rarement avec d'autres cinéastes. Mais avec lui, c'est facile.»

La religion est aussi un thème incontournable dans l'oeuvre de Terrence Malick. Particulièrement dans ce film-somme.

«J'ai grandi dans un environnement très chrétien mais les réponses qu'apporte la religion ne m'ont personnellement jamais satisfait, révèle l'acteur. Ni quand j'étais enfant, ni quand je suis devenu adulte, pas plus en tant que père de famille.»

The Tree of Life fut tourné il y a plus de deux ans. Envisagé pour la sélection officielle du Festival de Cannes l'an dernier, Terence Malick a préféré retarder le lancement de son film afin d'en peaufiner le montage. D'une durée initiale de plus de trois heures, le film fait finalement 2h18 dans sa version finale. D'une nature très timide, cultivant aussi le secret, le plus rare des grands cinéastes contemporains (seulement cinq films en 38 ans!) projette évidemment l'image d'un cinéaste méticuleux, éternel insatisfait, perfectionniste à l'excès.

«En fait, Terrence est un «imperfectionniste» ! , rectifie Brad Pitt. C'est-à-dire qu'il recherche la perfection à l'intérieur de choses imprévues. Il vous remet d'abord un scénario très dense mais une fois venu le moment du tournage, Terrence est beaucoup plus intéressé à capter des moments de vérité qui surgissent de façon spontanée. Il réécrivait d'ailleurs des scènes pratiquement tous les jours. Ce fut pour moi une expérience unique. Mais je ne sais pas si je referais ça souvent. C'est épuisant! Cela dit, Terrence a influencé ma manière de voir les choses car je me rends aujourd'hui compte que les plus belles scènes d'un film relèvent souvent d'accidents heureux.»

«À vrai dire, poursuit-il, Terrence est l'un des hommes les plus humbles que je connaisse. Il a sa propre manière de concevoir un film. Il laisse beaucoup de liberté aux acteurs et à ses collaborateurs. Les scènes du scénario ne sont là que pour donner une ligne directrice. Sur le plateau, il était particulièrement à l'écoute des enfants. Il concevait sa mise en scène en fonction de leurs actions.»

Donnant-donnant

Formant avec Angelina Jolie le couple le plus médiatisé de la planète, Brad Pitt reste quand même serein face à sa notoriété.

«C'est du donnant-donnant, explique l'acteur, aujourd'hui âgé de 47 ans. Nous essayons de mener la vie la plus normale possible avec les enfants. Bien sûr, nous sommes pourchassés par les paparazzis. Mais cet inconvénient est quand même compensé par d'autres avantages, notamment la possibilité de voyager partout dans le monde et d'exposer nos enfants à d'autres réalités. Plus je mûris, plus je prends d'ailleurs conscience de l'importance de chacune de nos actions envers les enfants.»

Brad Pitt envisage les prochaines années avec enthousiasme.

«J'aime vieillir, dit-il. J'échangerais la jeunesse contre la sagesse n'importe quand!»

The Tree of Life (L'arbre de vie en version française) prend l'affiche le 17 juin.