Été 2008. Québec fête ses 400 ans. Pour l'occasion, 12 artistes sont invités à faire une tournée de la francophonie canadienne. Dont Dominic Desjardins, Antoine Gratton et Mélanie LeBlanc. Du bouillonnement des idées est né un long métrage qui parle de déracinement, de musique et de francophonie.

À l'ère du couch surfing, cette mode permettant de voyager à petit prix en faisant dodo dans le salon d'un étranger, Le divan du monde, premier long métrage de Dominic Desjardins, arrive à point nommé.

Bien sûr, Le divan du monde est aussi un bar de Paris que le réalisateur connaît bien et a fréquenté pour avoir passé six ans de sa vie dans la Ville lumière. Mais ici, il faut avoir du titre une lecture plus modeste, moins globalisante.

Surtout lorsque ça vient de la bouche de la comédienne et chanteuse Mélanie LeBlanc, belle Acadienne à l'accent fruité, mélodieux, ensorcelant.

«Il y a quelque chose de très terre à terre dans la façon dont Mélanie parle, dit Dominic Desjardins. Lorsqu'elle dit qu'elle va dormir sur le divan du monde, on sait, dans sa façon de le dire, que c'est chez monsieur et madame Tout-le-monde. Chez elle, ce n'est pas forcé; elle parle comme ça. Dans le film, nous exploitons cet accent, ces expressions, ce qui donne beaucoup d'authenticité à son personnage.»

Dans le film, LeBlanc incarne Zoé, jeune femme qui vient de laisser son amoureux à Vancouver et entend traverser le pays sur le pouce pour retrouver sa mère à Summerside, dans l'Île-du-Prince-Édouard. Sa route croise celle d'Alex (Antoine Gratton), musicien qui ne croit pas beaucoup en son talent et qui s'éprend de la jeune femme. En route, on l'aura compris, ils dorment là où ils le peuvent, sur le premier divan.

Pianiste accompli, lauréat du Juno 2007 du meilleur album francophone, Antoine Gratton tient ici son premier rôle au grand écran et sa première expérience de comédien.

«Je recommencerais demain matin, dit-il. Au début, lorsque Dominic m'a offert le rôle, j'ai refusé. Je lui ai dit que j'allais scrapper son film, mais il a insisté. Il m'a créé un personnage de musicien afin que je me sente à l'aise. J'ai fini par accepter, en me disant que j'apprendrais quelque chose.»

La différence entre un spectacle musical sur scène et un rôle devant une caméra? «Sur scène, tu fais quelque chose d'ultra-personnel que tu livres à des gens avec une espèce d'artifice. Au cinéma, ça reste personnel, tu mets de toi-même, mais le challenge est de ne pas ajouter d'artifice. Il faut rester le plus honnête et le plus relax possible. C'est plus difficile que ça en a l'air!»

Projet d'été

Pour les artisans, Le divan du monde est comme un projet d'été.

Nous sommes en fait au début de l'été 2008. Pour le 400e anniversaire de Québec, 12 artistes des quatre coins du Canada sont réunis pour une tournée de la francophonie savamment nommée... Francoforce.

Desjardins (de l'Ontario) est invité à titre de cinéaste, Gratton (du Québec) est le directeur artistique de la troupe dont fait partie LeBlanc (du Nouveau-Brunswick).

«Mon travail était de faire un projet de film ou de vidéo. Au début, j'avais l'idée de faire plusieurs courts métrages, un par ville où nous nous arrêtions. Mais après avoir entendu Antoine, j'ai eu cette idée de faire un film où l'on suit l'évolution de la relation entre les deux personnages. Les arrêts pour la nuit servent de fil conducteur.»

Pour Desjardins, Antoine Gratton possédait toutes les qualités requises pour se glisser dans la peau d'Alex. «Je trouvais qu'il avait une belle énergie, une générosité et un grand naturel, dit-il. Il n'a pas peur de s'exprimer sur scène, ce qui est tout le contraire d'Alex qui aimerait atteindre ce niveau d'aisance.»

L'autre thème cher au réalisateur est le déracinement. Le film démarre à Vancouver où les deux francophones que sont Zoé et Alex cherchent visiblement leurs marques.

«C'est dans le déracinement qu'on est vulnérable, expose Dominic Desjardins. On est alors confronté à des situations où on n'a pas de repères, ce qui nous force à nous remettre en question. C'est beau, car ça montre la fragilité des personnages.»

Pour le réalisateur, cette quête identitaire alimentée par le déracinement constituait un bon point de départ pour le film.

Composer différemment

Pour ce film, Antoine Gratton a non seulement tâté pour la première fois du métier d'acteur, mais il a aussi composé sa première trame sonore (complétée par des pièces de Geneviève Toupin). Autre matière à apprivoiser mais qui se traduit, au bout du compte, par un grand enrichissement.

«J'ai regardé le film, j'ai baissé le volume et je me suis demandé comment raconter l'histoire sans qu'il y ait de dialogues, indique Gratton. J'ai décidé d'assigner un instrument à Zoé, un autre à Alex. Parfois, ils sont ensemble et placotent. Parfois, l'un est heureux et l'autre est triste. En somme, j'ai créé une espèce de sous-dialogue musical qui suggérait toutes les émotions. Autrement dit, tu ajoutes une épice à une sauce qui existe déjà. Le but est que les gens y goûtent.»

Voilà l'invitation lancée!

Le divan du monde est présentement à l'affiche au Cinéma Beaubien.