Si Randi Zuckerberg pouvait refaire l'histoire de Facebook, lancé avec son frère Mark en 2004, elle se concentrerait essentiellement sur un aspect : « J'aurais aimé qu'on se préoccupe plus des questions éthiques, de ce qui arriverait plus tard. »

Avec humour et avec une énergie contagieuse, alternant anecdotes, réflexions, pas de danse et même chansonnette, Mme Zuckerberg a littéralement séduit hier soir l'auditoire majoritairement composé de femmes à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Sa conférence était le principal événement de Femmes en tech Ubisoft, une initiative de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Plus tard, questionnée sur la scène, elle a renchéri sur le thème de l'éthique : « Les leaders d'entreprise ne doivent pas avoir peur de poser les questions d'éthique difficiles. »

« Il n'y a pas assez de leaders qui se projettent cinq, dix ou quinze ans dans le futur, qui se demandent comment le monde sera affecté par ce qu'ils font. »

Mme Zuckerberg, qui a quitté Facebook en 2011 et mène depuis une prolifique carrière d'animatrice radio, de productrice, d'auteure et d'entrepreneuse, a parlé de son célèbre frère dès les premières minutes de sa conférence. « Il m'a dit qu'il avait démarré cette chose, The Facebook, et qu'il avait besoin de quelqu'un qui connaissait le marketing numérique. Je vais traduire ça pour vous en canadien : il cherchait quelqu'un qui voulait travailler gratuitement. »

Ses années chez Facebook, qui allait devenir un réseau social comptant 2,2 milliards d'abonnés, pour lequel elle a notamment mis sur pied le service Facebook Live, lui ont permis de comprendre que les meilleures idées étaient souvent les plus inattendues. Elle a rappelé que l'entreprise, à ses débuts, obligeait ses employés à cultiver des projets personnels sans lien avec le réseau social. Les idées farfelues y côtoyaient les brillantes trouvailles. « J'ai eu deux projets dont je suis fière : un groupe rock des années 80 et Facebook Live. La peur de se sentir stupide devant ses collègues disparaît. Les gens ne sont plus craintifs, ils ont le sentiment de tenir les commandes. »

Maître à bord

Si elle assure aujourd'hui avoir adoré ses années chez Facebook, elle garde un moins bon souvenir du fait d'avoir été souvent la seule femme lors des réunions. « Avec un prénom comme Randi, au moins, les gens pensaient que j'étais un homme avant de me rencontrer. » De même, le fait de diriger sa propre entreprise par la suite lui a apporté une satisfaction incomparable.

« La pire journée à travailler pour moi-même est meilleure que celle consacrée à travailler pour quelqu'un d'autre. »

Cela est d'ailleurs le principal message que Mme Zuckerberg a voulu adresser aux femmes de l'auditoire. « C'est une époque très excitante pour une fondatrice d'entreprise. Il y a tellement de plateformes pour lever des fonds, des anges investisseurs, du sociofinancement, des incubateurs, des accélérateurs... C'est le meilleur moment pour vous lancer, que vous soyez une femme, un homme ou quelque part entre les deux. »

Se vendre

Invitée à expliquer pourquoi les femmes étaient peu présentes dans le secteur de la technologie, et plus globalement en entrepreneuriat, Mme Zuckerberg a dit croire que tout se passait avant l'âge de 10 ans. « Nous apprenons aux filles à être parfaites, c'est pourquoi beaucoup de ce que je produis s'adresse aux enfants. Je pense qu'il y a tellement de déprogrammation à faire. »

Elle a expliqué avoir elle-même dû « tordre » sa psychologie pour oser certaines aventures. « Je me demandais comment mes collègues masculins agiraient dans cette situation. Si je n'avais pas fait cet ajustement mental, je ne serais pas sur cette scène ce soir. »

Aux entrepreneuses dans la salle, elle a révélé un principe peu connu qu'elle applique elle-même, en tant qu'investisseuse : « Ce que vous ne savez pas, c'est que ce n'est pas l'idée qui importe - elle peut changer 50 fois -, mais la personne devant vous. Vous ne vendez pas une idée, vous vous vendez vous-même. »