Le groupe américain Apple a riposté à la plainte déposée à Bruxelles par le suédois Spotify, en accusant le numéro un mondial du streaming de musique de « vouloir tous les bénéfices d'une application gratuite, sans être gratuit », et de poursuivre en justice les artistes.

« Après avoir utilisé l'App Store pendant des années pour faire considérablement croître ses affaires, Spotify cherche à garder tous les bénéfices dérivés de l'écosystème de l'App Store - y compris les revenus substantiels qu'il retire des clients de l'App Store - sans contribuer du tout à cette place de marché », affirme Apple dans un communiqué mis en ligne jeudi soir en Californie.

Spotify a annoncé mercredi avoir déposé une plainte « formelle » auprès de la Commission européenne contre Apple pour abus de position dominante sur le marché de la musique en ligne.  

Il lui reproche notamment d'imposer un droit de 30 % aux services de musique en ligne qui vendent leur abonnement via l'App Store, la boutique en ligne d'applications de la marque à la pomme, augmentant d'autant le coût de l'abonnement pour les utilisateurs.

Spotify demande aussi que le consommateur ne soit pas contraint de passer par Apple pour écouter de la musique en ligne.

Enfin, il accuse Apple de prendre des mesures de rétorsion en cas de contournement de sa boutique, en empêchant les mises à jour des applications concernées et en bloquant leur utilisation sur son assistant vocal Siri, son enceinte connectée HomePod et sa montre connectée Apple Watch.

« Message fort de Daniel Ek, directeur général de Spotify : Nous avons besoin des mêmes règles du jeu pour une compétition équitable [...] », a commenté jeudi sur Twitter la Commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager, à la manoeuvre dans de nombreuses offensives de Bruxelles contre les géants américains du Net.

Dans son communiqué, Apple rappelle que le taux de 30 % ne s'applique que pour la première année d'abonnement, et passe à 15 % à partir de la deuxième.   La marque à la pomme considère ce droit comme justifié par l'utilisation du système de paiement sécurisé, qui « n'est pas une mince affaire à mettre en place ».

Quant aux blocages, Apple répond que 300 millions d'exemplaires de l'application Spotify ont été téléchargés sur l'App Store, après l'approbation et la distribution de près de 200 mises à jour. « Nous n'avons demandé des ajustements que quand Spotify a essayé de contourner les règles », précise le communiqué.

« Règles du jeu »

Enfin, l'entreprise américaine attaque le groupe suédois sur le partage des revenus avec les musiciens, un sujet de contentieux récurrent entre les plateformes et les artistes.

« Spotify cherche à faire de l'argent grâce au travail des autres. Pas seulement sur le dos de l'App Store, ils essaient aussi avec les artistes, les musiciens et les auteurs-compositeurs », lance le géant américain. Spotify « va jusqu'à les poursuivre en justice », selon Apple.

Cette accusation fait référence à une décision prise fin janvier par le conseil américain des redevances pour droits d'auteurs (CRB) de relever le pourcentage des revenus versés aux auteurs-compositeurs, aux États-Unis, par les plateformes de streaming.  

D'après le site américain Music Business Worldwide, cette décision doit entraîner une hausse de 44 % des redevances sur la période 2018-2022.

Spotify, Amazon, Google et Pandora contestent cette mesure, contrairement à Apple, qui, comme l'association nationale des éditeurs de musique (NMPA), accuse Spotify d'attaquer les artistes en justice.

La plateforme suédoise a déjà réagi à ces accusations sur son blogue à destination des artistes, en expliquant que son appel visait seulement à « clarifier des éléments de la décision du CRB », parce qu'il y a des « défauts significatifs » dans la façon dont le taux est défini.

Malgré le boom de l'écoute musicale en ligne, Spotify n'a jamais engrangé de bénéfice annuel. Le groupe, créé en 2005, a ainsi encaissé en 2018 une perte nette de 78 millions d'euros.  

Et il devrait rester dans le rouge en 2019.

Une quarantaine de plaintes formelles sont déposées chaque année devant la Commission européenne, et une poignée d'entre elles donnent finalement lieu à des sanctions, amendes ou des demandes d'engagement de bonne conduite.